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pourra ainsi prendre part à une discussion dans laquelle il a plus que personne le droit et le devoir de se faire entendre. C’est à M. Léon de Maleville qu’est réservé le soin d’exposer l’état de cette affaire. La législature actuelle a inauguré ses travaux en 1843 par une étude approfondie de cette transaction ; elle ne voudra pas, au moment de reparaître devant le pays, se montrer moins préoccupée du grand intérêt qui la touchait si vivement alors. On se rappelle qu’avec un grand sens politique et une prévoyance trop tôt justifiée par les événemens, elle refusa d’approuver l’arrangement du 17 décembre 1842, pour lequel on réclamait des éloges difficiles à concilier avec l’opinion actuelle de M. le ministre des affaires étrangères. Depuis, elle n’a cessé, à chacune de ses sessions, de signaler les périls de cette double administration confiée à un chef maronite et à un chef druse, antagonisme déplorable qui constitue en permanence l’anarchie dans le Liban. M. le ministre des affaires étrangères, qui avait vainement réclamé pour cette convention l’adhésion du parlement, s’est trouvé conduit depuis lors à reconnaître qu’elle était non moins dangereuse qu’inexécutable, et il n’a plus présenté que comme une transaction malheureusement nécessaire ce qu’il avait d’abord célébré comme un triomphe de la politique française. Sous la pression de l’opinion publique, il s’est trouvé dans le cas d’ouvrir à Constantinople une négociation pour obtenir le rétablissement en Syrie de l’administration unique et chrétienne qui durant deux siècles a maintenu dans ces contrées une sorte de sécurité. Confiant dans le résultat de ces ouvertures, M. Guizot en a annoncé plusieurs fois le succès prochain à la chambre, et, au début de la présente session, il crut pouvoir dire que l’opinion de la France était partagée par l’Autriche, dont l’internonce suivrait désormais à Péra une ligne de conduite parallèle à celle de notre ambassadeur. Cette analogie de vues et d’intentions a été et se trouve surtout en ce moment formellement contestée par des organes importans de la presse anglaise et allemande. La Gazette d’Augsbourg, et plus récemment le Malta-Times, ont nié l’existence d’un tel accord, et divers journaux ont reproduit des fragmens d’une dépêche qui aurait été adressée par M. le prince de Metternich à M. de Sturmer, dans laquelle les plans de la France seraient déclarés impraticables et dangereux. Il est impossible qu’une vive controverse ne s’établisse pas sur ce point. M. le ministre des affaires étrangères sera-t-il en mesure de constater que les négociations ont continué à être suivies avec Réchid-Pacha, et qu’il possède le concours du cabinet de Vienne ? Dans ce fait résidera principalement l’intérêt du débat.

Cette discussion sera précédée de celle relative aux affaires de l’Algérie. Ce débat sera moins complet qu’on ne l’avait d’abord supposé : toutes les places sont retenues aux malles-postes, et la chambre n’est plus en mesure de donner à une affaire, quelle que soit son importance, une attention suivie. D’ailleurs, le terrain même de la lutte semble échapper à tout le monde. La situation militaire est meilleure, et les grands périls sont conjurés. M. le maréchal Bugeaud a envoyé sa démission, qui n’est pas, il est vrai, acceptée par le cabinet, mais qui est encore moins retirée par le gouverneur-général. Les conclusions du rapport sont tellement vagues en tout ce qui ne regarde pas la création d’un ministère spécial, qu’elles ne peuvent être longuement débattues, car ce rapport n’est pas même un élément nouveau dans cette question si complexe. Il est donc à croire