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des sœurs de la charité, et celle de Mme de Miramion : l’une, amie et auxiliaire de saint Vincent de Paul dans ses œuvres merveilleuses ; l’autre, ornement éclatant et doux d’un siècle auquel les gloires du dévouement ne manquèrent pas plus que celles des armes et des arts. Il est curieux de voir Mme de Miramion vénérée comme une sainte par la société même qui s’inclinait devant la faveur de Mme de Montespan, et de suivre dans toutes les vicissitudes de sa vie la femme sur laquelle Bussy-Rabutin avait tenté un enlèvement à main armée, alors qu’elle se faisait, dans tout l’éclat de sa beauté, la plus tendre et la plus humble servante des pauvres. Il n’est pas moins intéressant de voir se dessiner, à l’aurore du grand siècle, l’austère figure de Louise de Marillac, plus connue sous le nom de Mlle Legras, entre les douces physionomies de François de Sales, de Vincent de Paul et de l’évêque de Belley. La charité délicatement exercée a été l’une des plus constantes et des plus hautes prérogatives de la société française, et, à une époque où l’on voit se reproduire ces noble, traditions, il est bon de remettre en mémoire ces grands modèles et ces grands exemples. À ce titre, nous ne saurions trop recommander ces deux notices, vendues au profit d’un ouvrier patroné par l’auteur.


RECHERCHES SUR LA SITUATION DES EMIGRANS AUX ETATS-UNIS DE L'AMERIQUE DU NORD, PAR LE BARON A. VAN DEN STRATEN PONTHOS, premier secrétaire de la légation de Belgique à Washington[1]. — Le chiffre de la population versée par l’Europe dans les États-Unis d’Amérique, depuis 1790 jusqu’en 1845, est, d’après les registres de la douane, de 2,063,727. Cette évaluation, comme on le pense, ne peut être qu’approximative, bien qu’elle ressorte des relevés officiels, car il est douteux, d’une part, que pendant ces cinquante années le recensement des étrangers débarqués dans les ports de l’Union ait pu être fait avec une rigoureuse exactitude ; d’un autre côté, l’application de cette mesure administrative a été à peu près nulle pour les frontières de terre, que leur étendue rend assez difficiles à garder. Ainsi, en tenant compte de ces causes d’erreurs, on peut, sans crainte d’exagération, élever le total de l’immigration à trois millions au moins. Après quelque temps, l’émigration des familles et des capitaux s’est accrue considérablement. Dans l’espace de moins de quatre années, de 1841 au mois de septembre 1844, le nombre des colons européens a été de 320,759, dont 200,227 Anglais, 72,031 Allemands, etc. De 1837 à 1839, 18,937 Bavarois sont venus s’établir aux États-Unis, et ont apporté avec eux un capital de 25 millions.

Ces mouvemens de populations et de capitaux intéressent surtout les états du nord de l’Europe. C’est en Angleterre, en Allemagne et en Belgique, que l’émigration se recrute surtout. Plusieurs gouvernemens se sont à bon droit préoccupés d’un fait aussi important, et celui de Belgique en particulier a cherché à s’éclairer sur la marche et les résultats de la colonisation européenne en Amérique. M. le baron A. Van der Straten Ponthos, premier secrétaire de la légation de Washington, a entrepris à cet effet une longue et pénible exploration de tous les établissemens répandus dans les états de l’ouest et du nord. Il a visité successivement

  1. Bruxelles, chez Méline.