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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 14.djvu/981

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tait le nom de Ptolémée, essaya d’en opérer la décomposition. Le nom de Bérénice, tiré d’un petit obélisque de Philes, fut soumis à la même opération, et les résultats obtenus furent tels que l’auteur de la découverte se vit obligé de reconnaître l’inutilité de la clé qu’il croyait avoir trouvée. Inapplicable à tous les autres noms propres de souverains dont la présence était partout signalée par l’encadrement elliptique qui contenait les noms royaux analysés, l’alphabet de Young, bien qu’il fournît la valeur réelle de quelques signes hiéroglyphiques, n’en demeura pas moins inutile aux mains de celui même qui l’avait créé. En résumé, Young crut fermement, à la fin de sa vie, que les écritures égyptiennes étaient idéographiques pures, et que les noms propres étrangers seulement y étaient représentés par de vrais hiéroglyphes dont, par une convention préalable, on détournait le sens symbolique dans ce cas exceptionnel, afin de leur faire représenter les consonnances qui constituaient les noms propres à exprimer. En un mot, le rôle de ces signes de sons était exactement celui des signes particuliers auxquels l’écriture chinoise attribue la même destination, lorsqu’il s’agit de peindre aux yeux et de rappeler à l’oreille la forme des noms étrangers. Young est incontestablement le premier qui ait fait connaître au monde savant l’analyse de deux noms grecs écrits en hiéroglyphes ; mais cette analyse, vicieuse dans le fond, demeura forcément stérile.

Pour en finir avec Young, je dirai qu’après sa mort on publia les élémens d’un dictionnaire démotique qu’il avait réunis à grand’peine en étudiant le décret de Rosette et les papyrus démotiques dont il avait connu les originaux ou de bonnes copies. Presque tous les groupes qui entrent dans ce dictionnaire sont exactement expliqués, mais pas un seul n’est transcrit, pas un seul n’est rapproché du mot copte dont il est l’expression fidèle. Young a donc, jusqu’à la fin, persévéré dans le principe erroné qui lui avait fait considérer l’écriture démotique comme étant surchargée de symboles et d’emblèmes, tout autant que l’écriture hiéroglyphique.

Ici commence une ère nouvelle dans l’histoire des études égyptiennes, ère toute de lumière et de progrès.


II.


Pendant qu’en Angleterre Young faisait de vains efforts pour tirer quelque parti de la découverte qu’il avait ébauchée, Champollion le jeune, le véritable créateur de la science hiéroglyphique, poursuivait avec une opiniâtreté sans exemple, bien digne du succès éclatant qui l’a couronné, la solution du curieux problème à l’étude duquel il de-