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la pensée publique des voies salutaires ou elle était engagée : nous craignons que certains gouvernemens n’exploitent à propos une diversion si favorable au maintien de leurs idées les plus chères. Ces beaux jours d’exaltation triomphante en l’honneur de l’unité allemande n’ont-ils pas été jusqu’ici les sûrs avant-coureurs des plus mauvais jours par où les libertés aient passé ? Qu’est-il arrivé au lendemain de 1815 ? Où sont les gallophobes de 1840, qui n’aient pas confessé leur duperie ? Sur cette affaire des duchés, nous dit-on, expirent toutes les différences de partis ; tout le monde est libéral, et les cabinets ne se fâchent pas qu’on le soit ; il n’y a plus là ni gens de la droite, ni gens de la gauche, ni radicaux, ni absolutistes : l’accord est précieux Nous savons surtout un endroit où l’on doit le trouver bien touchant, c’est à Francfort, au sein de la diète.

Étrange aveuglement ! cette même Allemagne libérale qui réclame avec tant de violence l’intervention de la diète germanique dans le début de la succession danoise, c’est elle cependant qui proteste à toute occasion contre les empiétemens de l’autorité fédérale, et pose en principe absolu l’indépendance intérieure des états particuliers. La confédération instituée en 1815 sur les débris de l’ordre de choses établi en 1806 n’est pas et ne continue pas le saint-empire ; elle n’a point à s’appuyer sur les antécédens de l’histoire impériale ; les seuls droits qu’elle doive légalement exercer sont inscrits dans les actes de Vienne ; et restaurer l’intégrité primitive de ces actes fondamentaux, ce serait déjà beaucoup gagner pour la cause constitutionnelle. Est-ce donc le moyen d’y parvenir, que d’ajouter un nouveau privilège à tous ces droits subreptices que la diète s’est arrogée aux dépens des puissances secondaires ? Où donc est-il dit, dans le pacte de Vienne, que les questions d’hérédité seront soumises au tribunal fédéral ? À quel titre les suprêmes arbitres de Francfort jugeraient-ils d’une succession en litige dans un des pays fédérés, pure question de souveraineté nationale parfaitement étrangère à leur compétence ? Mais, s’ils n’ont pas droit d’intervention directe dans ce démêlé qui s’agite entre la couronne de Danemark et ses sujets, ils peuvent toujours s’immiscer indirectement dans l’affaire ils sont armés de l’article 26 de l’acte final de 1820. Si cette effervescence que l’Allemagne provoque amène des troubles sérieux, si la paix publique est compromise sur l’étendue des possessions danoises incluses dans la confédération, l’article 26 autorise la diète à faire occuper provisoirement le territoire, non pas en tant qu’héritage contesté, mais en tant que pays insurgé. Or, qu’est-ce que cet article 26, sinon l’objet des justes craintes, de l’indignation plus juste encore des patriotes allemands, sinon le frein avec lequel les cabinets absolus arrêtent le développement des libertés publiques en Allemagne ? Grace à cet article, il n’y a plus de frontière assez sûre pour protéger les petits états contre