Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 15.djvu/1069

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


II.

Nous avons donné les raisons purement allemandes de cette grande contestation ; les populations des duchés ne l’ont point provoquée, ne s’y sont point associées avec tant d’énergie sans avoir des motifs qui les touchassent plus directement. Les partisans de la monarchie danoise ont été souvent répété que c’était là seulement un tumulte d’avocats ; ceux-ci, réunis en corporation, beaux parleurs de langue allemande et grands experts en droit allemand, possèdent sans doute une autorité réelle dans le pays, et très probablement ils ont mis la querelle en train ; mais il fallait autre chose qu’une agitation factice pour ramasser les vingt mille signatures des soixante-quinze adresses présentées en 1844 aux états de Holstein par les défenseurs de l’indépendance du duché. Nous savons bien aussi que l’université de Kiel est un foyer très ardent de propagande germanique : étudians et professeurs se soutiennent là comme devant l’ennemi mais ces doctes influences, descendues dans la vie publique, ne lui auraient pas imprimé tout de suite un mouvement si actif, sans quelques circonstances décisives. Les circonstances existent ; elles sont à la charge du Danemark, du gouvernement danois, de l’opposition danoise. Les deux partis, ou, pour employer la langue politique du pays, le parti dynastique et le parti scandinave, se sont donné des torts dont ils portent la peine ; ils doivent chercher maintenant à les réparer, s’ils mettent l’intérêt général de la monarchie au-dessus des opinions particulières qu’ils affectionnent.

A dater de la réunion du Holstein en 1806, les deux duchés reçurent une administration pareille, et cette administration fut en principe tout-à-fait distincte de celle du Danemark. Ils eurent chacun leur gouverneur (stathalter), et une chancellerie spéciale, dite chancellerie allemande, représenta leurs intérêts à Copenhague. Dès-lors cependant ils se trouvèrent sur plus d’un point confondus avec le royaume ; les dures nécessités de ces temps-là les obligèrent à porter une lourde part des charges financières et militaires du Danemark. On tenta même, avec assez de succès et dans une mesure assez pacifique, des essais d’assimilation ; on demanda que tout employé allemand dans les duchés sût la langue danoise ; on fonda pour cette langue une chaire à l’université de Kiel ; on multiplia les fonctionnaires danois en Holstein ; la flotte et l’armée furent commandées en danois sans aucune exception pour les Allemands qui y servaient ; dans le Holstein même, les ordonnances et arrêtés parurent à la fois en allemand et en danois. Comme rien de tout cela ne se faisait par système ou pas violence, comme les sujets du roi n’y voyaient pas d’arrière-pensée menaçante, puisque