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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 15.djvu/217

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la philosophie positive.

la haute considération dont elle jouissait au XVIIe siècle, j’en signalerai surtout deux : le premier, c’est que la métaphysique, ou, comme on l’appelle encore, l’ontologie, est, à ce qu’on croit, une science qui spécule à perte de vue sur l’être et le non-être, l’absolu et le relatif, le fini et l’infini, et prétend expliquer a priori l’origine, l’essence et le fonds de toutes choses : science abstraite, sans aucun rapport avec les réalités de la nature et de la vie ; science conjecturale, qui, n’ayant à son service ni l’expérience ni le calcul, se consume en hypothèses stériles ; science orgueilleuse, qui méprise les autres sciences parce qu’elle les ignore, et prétend expliquer à fond un univers dont la surface visible lui est inconnue

Le second préjugé que le XVIIIe siècle nous a légué contre la métaphysique, c’est qu’elle tourne dans un cercle de systèmes sans cesse renaissans : spiritualisme et matérialisme, panthéisme et dualisme, dogmatisme et scepticisme, tels sont les héros éternels de ce drame monotone, personnages fantastiques qui disparaissent de temps en temps pour reparaître avec des masques nouveaux, toujours armés les uns contre les autres, se faisant des blessures mortelles sans se tuer jamais, et jouant une pièce qui n’a pas et ne peut avoir de dénouement.

Ces préjugés sont-ils légitimes ? Et d’abord est-il vrai que la métaphysique soit une science isolée par sa nature de toutes les autres, et qui aspire à se construire hors de l’univers et de l’humanité un domaine indépendant ? Je répondrai à cette question avec une entière sincérité. Il est vrai que les métaphysiciens ont quelquefois donné le change au sens commun sur la nature de la métaphysique : il s’est rencontré à plus d’une époque des esprits téméraires qui se sont fourvoyés dans cette ontologie abstraite, si justement suspecte aux esprits sérieux ; mais je dis que cette manière d’entendre et de pratiquer la métaphysique est contraire à l’ensemble de la tradition ; je dis que les grands penseurs dont les noms marquent les pas mémorables qu’a faits l’esprit humain dans la carrière de la vérité, les Platon et les Aristote, les Descartes et les Leibnitz, ont entendu d’une manière toute différente la nature et les conditions de la philosophie première.

Je m’expliquerai plus nettement encore sur ce point. Le père de la métaphysique moderne avait donné pour base à toutes ses spéculations un fait de conscience : le cogito, ergo sum, c’est l’être qui pense prenant possession de soi-même par la réflexion, échappant au doute en affirmant sa propre réalité, sa propre individualité, et de ce ferme point d’appui prenant son vol pour s’élever non à un absolu abstrait, mais à un Dieu réel et vivant, principe premier et suprême idéal de la pensée et de la conscience.

Cette métaphysique à la fois sensée et sublime conquit sans effort tous les grands esprits du XVIIe siècle, non-seulement Malebranche et Féne-,