à un télescope existait à Raguse plusieurs siècles avant Newton, et Burratini, architecte italien qui a visité Alexandrie au XVIIe siècle, regarde cet instrument conservé à Raguse comme celui qui était à Alexandrie du temps des Ptolémées. La supposition de Burratini est hardie, ce me semble, et sa justesse n’est rien moins que démontrée. Dans tous les cas, si l’on admettait l’existence d’un télescope sur le phare d’Alexandrie, ce ne pourrait être, comme le dit M. Libri, qu’à l’époque arabe et non au temps des Ptolémées, car, si un tel instrument eût existé dès-lors, les auteurs anciens l’eussent mentionné parmi les merveilles tant célébrées d’Alexandrie.
Aujourd’hui la première chose qu’on aperçoit de la mer, c’est la grande colonne appelée si improprement colonne de Pompée. Elle paraît comme une voile, disent les portulans ; puis, en approchant, on voit se dresser les mâts de vaisseaux qui semblent fichés dans le sable et font ressembler la ville d’Alexandrie, suivant la judicieuse comparaison du docteur Robillard, à un paquet d’aiguilles plantées sur une pelote jaune. Des moulins à vent couvrent les hauteurs voisines de la ville ; les Français ont construit les deux premiers, les autres sont l’œuvre du pacha ; les Français n’ont fait que rapporter à l’Orient ce qu’ils en avaient reçu au temps des croisades, et rendre à l’Égypte une invention de l’Égypte. La côte est trop plate pour que la ville puisse se présenter avec avantage. Venise seule, bien que bâtie au ras des flots, est d’un effet admirable ; elle le doit à ses clochers et à ses dômes. Alexandrie ne nous frappe point par son aspect, elle ne nous attire que par son nom, ses souvenirs, et par l’espoir d’une nuit sans roulis et sans mal de mer.
Mais entrerons-nous ce soir dans la rade ? Déjà sous cette latitude le jour baisse rapidement. Une petite barque s’avance vers nous, elle apporte le pilote arabe… non, elle s’éloigne, on s’était trompé. Notre capitaine, M. de Brun, dont la hardiesse est connue, parle de s’aventurer sans pilote dans les passes, témérité que le pacha naguère a punie de mort sur un officier égyptien. Cependant un autre bateau se dirige vers nous, cette fois c’est le pilote qui approche. Dieu veuille qu’il soit de la race de ces pilotes égyptiens que Philon disait habiles à conduire les vaisseaux, comme les cochers du cirque à guider les chars ! Le musulman prend place sur une des roues à côté du capitaine. Le grand turban blanc, les amples vêtemens du premier, forment avec la casquette bleue et l’uniforme étriqué du second un contraste qui n’est pas à l’avantage de l’Europe. Nous admirons la belle et sérieuse figure de l’Arabe, qui