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premier. C’est toujours dans la bande du milieu qu’est placée l’inscription la plus ancienne. Ici elle se rapporte à Thoutmosis III, dont le règne appartient à la plus florissante époque de l’art égyptien. Jamais les hiéroglyphes ne furent sculptés avec une perfection plus grande. Les altérations que le temps a fait subir aux aiguilles de Cléopâtre ne permettent pas d’apprécier cette perfection aussi bien qu’on peut le faire sur d’autres obélisques du même âge et mieux conservés, par exemple sur le plus grand des obélisques de Rome, celui de Saint-Jean de Latran, qui date aussi de Thoutmosis III. Ceux d’Alexandrie offrent d’assez grands vides qui ne permettent pas de rétablir un sens suivi et complet ; mais il ne peut y avoir de doute sur le sens général.

Je commence par celui qui offre deux côtés intacts. Sans avoir la prétention de rendre raison de chaque signe, on peut affirmer que ce qui domine dans les lignes médianes, qui se rapportent à Thoutmosis, et dans les lignes latérales, qui concernent Sésostris, ce sont des désignations honorifiques, dont la plupart sont reproduites à satiété sur les monumens du même genre, telles que souverain de la Haute et Basse-Égypte, aimé de Tmou, dieu grand, et des autres dieux, semblable au soleil qui se manifeste sur la montagne solaire, etc. Cependant quelques passages mériteraient un examen que je ne puis faire ici ; mais je ne saurais passer sous silence une phrase très importante, parce que cette phrase qui n’a pas été traduite, que je sache, peut éclairer d’un jour nouveau un point encore controversé de l’histoire égyptienne, l’expulsion des peuples pasteurs. On sait que les pasteurs étaient des nomades de l’Asie qui vinrent fondre, environ 2300 ans avant notre ère, sur l’empire égyptien, vieux dès-lors, comme les barbares, près de trente siècles plus tard, fondirent sur l’empire romain. On sait qu’ils furent chassés de la Basse-Égypte après environ 500 ans d’une occupation plus ou moins disputée.

Or, je lis sur l’obélisque d’Alexandrie, après le prénom de Thoutmosis III, illustre pour avoir battu les Hyk. Le nom égyptien des pasteurs était hyk-sos. Serait-il possible que hyk fût ici une abréviation d’hyk-sos ? Cette supposition me paraît emprunter une grande vraisemblance à un passage de l’historien égyptien Manethon, cité par Josèphe, qui nous enseigne le sens du mot hyk-sos. Selon Manethon, hyk, qui voulait dire roi, appartenait à la langue sacrée, et sos, qui signifiait pasteur, à la langue vulgaire. Le premier est ici représenté par la houlette, signe du pouvoir aux mains des Pharaons, et dont la prononciation hyk n’est pas douteuse. Quant au mot sos, on conçoit que, n’appartenant pas à l’idiome sacré, il n’ait pu être écrit sur un monument public, dans une inscription qui ne devait admettre que la langue sacerdotale : le remplacement d’un mot par son initiale est un principe dominant de l’écriture hiéroglyphique ; il est donc difficile de se refuser à voir ici les hyk-sos