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le gouvernement anglais, avec cette hauteur qui caractérise ses procédés à l’égard des puissances de second ordre, paraissait prendre à tâche de marquer son dédain pour les formes et les apparences de la justice et de la légalité, et cela dans le moment même où se débattaient ses propositions. Ainsi, non-seulement les navires arrêtés par les croiseurs britanniques, traduits devant la commission mixte de Rio-Janeiro et relâchés, ne recevaient pas l’indemnité due aux pertes occasionnées par cette injuste détention, mais encore le commissaire anglais, M. Samo, prétendait qu’une sentence d’acquittement faute de preuves n’absolvait pas les navires capturés, et partant les rendait indignes de toute indemnité.

Il nous suffira de rapporter un seul fait pour donner une idée des abus que se permettaient les croiseurs anglais avec l’approbation de leur gouvernement. Le 16 septembre 1842, un négrier brésilien, la Vencedora, fut capturé par les embarcations du brick de guerre anglais le Frolic, et amené à Rio-Janeiro : il avait à bord trois cent cinquante noirs. Le ministre des affaires étrangères, M. Paulino Soarez de Souza, en réclama immédiatement le renvoi devant la commission mixte. Le chargé d’affaires d’Angleterre, M. Hamilton, répondit que ce bâtiment, ayant été saisi pour fait de piraterie, devait être traduit devant le tribunal de vice-amirauté du Cap de Bonne-Espérance. M. Paulino répliqua que ni la loi du 7 novembre 1831 ni le code brésilien n’assimilaient à la piraterie le fait d’introduire des esclaves sur le territoire du Brésil. Le ministre anglais invoquait l’article par lequel le gouvernement brésilien s’était engagé à présenter, dans le délai de trois années après la ratification de la convention de 1826, un projet de loi déclarant la traite illégale et assimilant ce trafic à la piraterie. Il se fondait sur la non-exécution de cet article pour ne tenir aucun compte de la protestation du ministre brésilien ; les noirs capturés furent envoyés à la Trinité pour y être mis en liberté, et la Vencedora, traduite devant le tribunal du Cap, fut condamnée. Le cabinet de Rio-Janeiro n’eut plus qu’à courber la tête, mais ce ne fut pas sans protester énergiquement contre « ces actes violens et arbitraires qui empiètent sur les droits des nations et blessent la dignité des peuples.

La conduite des croiseurs anglais et l’attitude prise dans ces divers conflits par leur gouvernement sont en effet inexcusables. C’est pour prévenir de tels abus de la force que nos chambres ont réclamé et obtenu l’abrogation des conventions de 1831 et de 1833. Il est fâcheux que le gouvernement brésilien prît comme à plaisir d’infirmer d’avance ses protestations en tolérant lui-même la plus impudente violation des traités. Voici en quels termes s’exprime à cet égard un témoin oculaire dont le témoignage ne saurait être mis en doute : « Les capitaines de port, répandus sur la côte du Brésil pour empêcher la traite, sont tous d’anciens