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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 15.djvu/46

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nous comptons pour rien celui que les délibérations publiques exercent à leur tour sur les secrètes décisions des cabinets. Le jeu des institutions libérales n’est nulle part sans doute au-delà du Rhin ni très complet ni très sincère, mais elles subsistent du moins, et se sont elles-mêmes jusqu’ici défendues contre la haine acharnée des autocraties. Il y a mieux, elles reprennent vie, maintenant que le temps les aide, et ce serait encore les aider que de nous montrer touchés de leur réveil. Les événemens de 1815 et de 1830 avaient valu presque partout aux nations germaniques des garanties et des chartes ; c’était comme un réseau qui menaçait d’envelopper les monarchies pures ; le réseau est aujourd’hui rompu par maintes places ; qu’importe, s’il en reste assez pour qu’on en puisse relier les morceaux ? Je n’ignore pas que ces principes de gouvernement n’ont plus le mérite d’exciter chez nous d’affections bien ardentes ; nous nous prétendons ou désabusés ou dégoûtés, et beaucoup même ne veulent plus voir là que des vérités de convention dont il est sage pour l’instant de ne pas sembler très enthousiaste ; mais ceux qui ont appris à notre école ces grandes règles politiques les tiennent heureusement en meilleure estime : leur plus cher espoir est de les conquérir tout entières, et nous avons beau maintenant dédaigner ou regretter pareille victoire, le prix qu’ils y mettent doit nous donner à réfléchir.

La Saxe est l’un des états de la confédération qui participe le plus au mouvement d’aujourd’hui ; elle y était mieux préparée qu’aucun autre. Le génie même de sa population, les conditions particulières que lui faisait son voisinage, l’exercice à peu près illimité des droits inscrits dans la charte de 1831, tout la disposait à l’avance pour cette ère nouvelle dont je raconte le début ; elle était armée pour la lutte.

La Saxe est toujours demeurée plus ou moins en dehors du romantisme allemand ; il n’y a point là les emportemens de l’humeur souabe, il n’y en a pas non plus la distinction poétique ; on y pense un peu terre à terre, bien loin de s’égarer dans les nuages ; c’est un pays d’esprits froids et sensés ; c’est déjà l’Allemagne du nord, et, quand on a tout à l’heure à peine quitté les fougueuses natures du midi, la différence vous frappe d’un coup. Je n’ai pas de penchant pour ces théories trop faciles qui parquent l’espèce humaine suivant la loi des races et des climats ; il y a quelque chose en l’homme qui suffit à corriger les influences fatales du monde extérieur, j’entends la conscience de sa liberté, et cependant, de degrés à degrés, de peuple à peuple, de province à province, il est de ces diversités providentielles contre lesquelles la volonté ne prévaut guère. Pendant qu’il se formait en Souabe comme une autre école de maîtres-chanteurs, la Saxe n’a produit que deux poètes depuis 1813 et n’a pas même su leur être hospitalière. Pendant qu’Overbeck jetait hardiment à ses contemporains les anachronismes