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En dehors de ces trois catégories principales, finances, commerce, marine, Colbert eut à mener de front des affaires si importantes, si nombreuses, si variées, qu’elles eussent suffi pour accabler un homme ordinaire. Sans entreprendre une énumération complète en m’aidant des consciencieuses recherches de M. Clément, je rappellerai, que, comme tuteur des intérêts matériels, Colbert régularisa l’institution des consulats et des chambres de commerce créées sous Henri IV, fonda chez nous les premiers entrepôts, encouragea les assurances maritimes par la fondation d’une compagnie marseillaise sur le modèle de celle qui existait déjà à Paris, préluda à la réforme des poids et mesures en établissant du moins l’uniformité dans les ports et les arsenaux, améliora la fabrication des monnaies. Le rétablissement des haras par l’achat des étalons en Angleterre, en Allemagne, en Afrique, l’introduction des béliers de bonne race, la défense de saisir le bétail du paysan pour le paiement des taxes publiques, l’essai d’un cadastre que des réclamations locales firent abandonner, justifient le ministre du reproche d’avoir négligé l’agriculture. L’édit de 1669, « portant règlement général pour les eaux et forêts, » institua l’inspection de ce service, dicta pour la conservation et l’aménagement des bois, surtout dans l’intérêt de notre marine, un mode qui fit loi jusqu’en 1827, et dont on est forcé d’admirer la prévoyance, à mesure qu’on découvre les inconvéniens de notre nouveau code forestier. Averti par son bon instinct, Colbert régularisa le service des postes, abaissa le tarif de la manière la plus libérale en ne conservant que quatre taxes de 2 à 5 sols, avec une augmentation légèrement progressive quand la feuille était double. À ce compte, une lettre surchargée, qui eût payé pour la plus grande distance 10 sols, ou environ 1 fr. 50 cent. de notre monnaie, paierait 4 fr. 80 cent. aujourd’hui.

Partisan naïf du despotisme royal, serviteur personnellement dévoué à Louis XIV, Colbert avait à cœur de fonder l’unité monarchique sur l’uniformité des lois comme sur celle des mœurs. Quoiqu’il ne fût pas jurisconsulte, il provoqua et surveilla la refonte des coutumes locales en un seul corps de législation. Il eût été agréable à l’homme du roi de faire élaborer secrètement le projet, et de le convertir en ordonnance qu’on aurait fait enregistrer par le parlement dans un lit de justice, afin de montrer au peuple que toute justice comme toute puissance émanait de la royauté. Le conseiller Pussort, oncle du ministre, avait même été chargé déjà du travail préparatoire. Le président de Lamoignon déjoua cette flatterie, en proposant au roi, de la part du parlement, ce que Colbert voulait accomplir de son chef. Il eût été peu prudent de refuser le concours du parlement. Une commission choisie parmi les hommes les plus éclairés de l’administration et de la magistrature procéda à la refonte des anciennes lois civiles. Pareilles mesures