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religieux et nominalement aux jésuites ; on toléra certaines associations de bienfaisance qui ressemblaient trop à des confréries. Enfin on dépassa de beaucoup les rigueurs dont la presse avait pu jusqu’alors se croire menacée. La session qui venait de finir ne lui avait certainement pas été très profitable ; mais on avait obtenu ce qui est à peu près de droit commun en Allemagne, l’affranchissement de la censure pour tout écrit comptant plus de vingt feuilles d’impression. La censure respecta de moins en moins cette limite qui lui était imposée par la loi, et elle prétendit obliger les écrivains à quitter l’anonyme, seule protection du journalisme allemand. Le ministère était sorti victorieux de la querelle qu’on lui avait faite dans les chambres pour avoir supprimé les Annales hégéliennes, à peine établies à Leipzig ; il avait facilement : épouvanté le bon sens saxon des entraînemens d’une philosophie qui mettait tout à néant. Il crut qu’il pourrait aller plus loin, et il entra fort imprudemment en campagne contre ce rationalisme positif que les amis protestans, et plus tard à leur suite les nouveaux catholiques, prêchaient ouvertement dans le pays. L’esprit national était par nature entièrement porté de ce côté-là ; les préoccupations religieuses augmentaient tous les jours à mesure que le cabinet semblait redouter davantage l’activité politique ; il y avait jusque dans les villages des conférences et des réunions où l’on discutait publiquement la réforme de l’église et du dogme. La résistance que l’ambition des piétistes berlinois avait provoquée par toute la province prussienne de Magdebourg était énergiquement appuyée sur le concours fraternel de la Saxe royale ; le principe de libre examen se relevait avec plus de vigueur que jamais sur la terre où il avait eu son berceau. Le gouvernement saxon éprouva pour sa tranquillité toutes les inquiétudes, que lui témoignaient pour leur compte les gouvernemens catholiques ; il voulut arrêter le courant et lança l’ordonnance du 17 juillet 1845. Cette ordonnance défendait les assemblées où l’on attaquerait la confession d’Augsbourg, elle déclarait que l’état ne pouvait se passer d’un symbole obligatoire, et que renier ouvertement le symbole de l’état, ce n’était point user, mais abuser de la liberté de conscience.

Le roi de Saxe, comme tous les princes protestans, est chef de l’église ; il possède les deux suprématies, non pas seulement l’autorité temporelle (jus circà sacra), mais aussi l’autorité spirituelle sur tout son territoire (jus episcopale). Le roi régnant n’appartenant pas à la religion de la majorité, la commission des affaires évangéliques exerce à sa place cette souveraineté délicate. Cette commission, formée par le ministre des cultes et deux de ses collègues, n’est qu’une institution administrative et n’a qu’un caractère purement bureaucratique. Qu’était-ce donc qu’une simple circulaire émanée de pareille source contre le mouvement général des intelligences ? un obstacle inutile qui devait le