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peu près six fois la nôtre[1]. Bien des fois d’ailleurs ces faits affligeans ont été signalés du haut de la tribune, et tous les ans des plaintes s’élèvent On va même plus loin, et depuis longues années déjà on s’occupe à rechercher la cause du mal, afin d’y appliquer un remède bien nécessaire. Malheureusement dans ses recherches toujours vaines il semble qu’on ferme volontairement les yeux à la lumière et qu’on se refuse à reconnaître des vérités importunes dont on se trouverait ensuite embarrassé. Autrement, on ne chercherait pas si long-temps en vain.

Ainsi tombent une à une toutes les assertions des protectionistes, ainsi s’évanouissent tous les fantômes qu’ils évoquent. Cette infériorité de notre industrie, dont ils s’autorisent, est leur ouvrage Elle s’effacerait presque aussitôt sous un régime de liberté. Une chose est vraie pourtant dans leurs allégations, c’est que toute industrie particulière qu’on exposerait seule à la concurrence étrangère succomberait. Comment se soutiendrait-elle, en effet, dans une position semblable, lorsque, le monopole étant autour d’elle la loi commune, elle paierait tout plus cher que l’étranger ? Aussi, faut-il considérer comme dérisoire ce langage que les protectionistes tiennent à quelques-uns de nos industriels, par exemple aux armateurs : « Vous demandez la liberté du commerce ; voulez-vous en faire l’essai pour vous-même en renonçant aux droits différentiels qui protègent vos armemens ? » Évidemment une telle proposition n’est pas sérieuse. Quoi ! vous voulez que nous allions lutter corps à corps avec les armateurs étrangers, quand de toutes parts vous nous chargez de chaînes ! Si faible et si fragile que soit l’appui des droits différentiels, nous y tenons, parce que, dans la navigation internationale, c’est encore, après tout, le seul abri qui nous reste. Oui, nous voulons la liberté, mais à condition qu’elle sera générale. Nous acceptons la concurrence avec les armateurs étrangers, mais à condition que nous serons d’abord dégrevés de toutes les charges artificielles que nous supportons, à condition que nous aurons aux mêmes prix qu’eux, aux prix du commerce libre, tous les objets que nous employons, le bois, le fer, le cuivre, le chanvre, le goudron, les cordages, la toilerie et le reste. Rien de plus juste au fond que ces réserves. Certes, la liberté du commerce est salutaire et bonne ; elle ne l’est pas seulement

  1. Année 1843 : France, tonnage : 590,077 ; États-Unis, 2,158,603 ; Angleterre, 3,588,387.
    Les renseignemens officiels pour l’Angleterre et les États-Unis ne vont pas au-delà de l’année 1843. (Voyez les documens fournis par M. le ministre du commerce aux conseils-généraux de l’agriculture, des manufactures et du commerce, dans leur dernière session.)