a d’ouverture et de généreuse passion. « Les propositions que j’avance là, dit-il en les citant, se rapportent étroitement à Jésus, car telle est la foi qui remplit mon cœur. En songeant à la doctrine, je ne puis m’empêcher de songer à celui qui nous l’a donnée et qui nous a précédés dans la pratique ; je suis heureux que le christianisme ne soit pas seulement une doctrine, qu’il soit encore une personne, la personne du Sauveur, et je le prêche à ma communauté. Je sais qu’il en est beaucoup qui s’en tiennent à la doctrine et n’ont point ce ferme attachement à la personne ; c’est mon avis qu’ils peuvent être d’aussi bons chrétiens que les autres. Jésus s’en explique assez clairement ; tous ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur ! n’entreront pas pour cela dans le royaume céleste, mais seulement ceux qui font la volonté de mon père qui est dans les cieux. » Comment le pieux pasteur se figurait-il cette personne admirable, l’unique objet de ses affections ? Quelle idée se faisait-il de la nature du Christ ? Et d’abord il n’est point, bien entendu, de l’école de Strauss : il n’eût pas voulu que l’érudition moderne révoquât toute l’histoire évangélique en doute, il n’aperçoit là qu’un abus de la critique, qui pourrait nier ainsi l’histoire entière ; mais il sait bien pourtant que la vie de Jésus n’a pas été rédigée par protocole, qu’il n’a rien écrit lui-même, et qu’on a long-temps attendu pour écrire. Il expose alors l’état de son ame avec une singulière candeur, et se sauve à l’aide de cette précieuse simplicité du bon sens et de la bonne foi. « Il y a deux côtés dans Jésus : l’un me concerne et je le vois sans nuages ; Jésus est mon Sauveur, parce que je ne trouve chez personne ce que je trouve en lui de recours et d’appui ; l’autre ne concerne que Dieu à qui Jésus est lié plus intimement que moi et tous les êtres semblables à moi : c’est là le côté de l’énigme. Il me paraît sec et froid de dire que Jésus était un homme comme nous, lorsqu’il diffère tant de ce que nous sommes, lorsqu’il est si pur, lorsqu’il a si claire conscience de l’union de son cœur avec le père. J’ai donc déjà fait cette déclaration publique : si l’on me demande qui était Jésus en lui-même, je n’en sais rien, et la réponse me manque ; mais ce qu’il est pour moi, cela je le sais, et je m’en réjouis, il est mon Sauveur. Je ne m’exprime point ainsi par prudence ou par timidité, par envie de cacher mes vraies opinions ; je dis simplement ce que je découvre en moi. Quand l’intraitable raison me force d’assigner à Jésus une place parmi les hommes, aussitôt le sentiment proteste, et me crie que je n’ai point encore résolu l’énigme. Des deux parts, on me traitera d’esprit faible, les uns parce que je ne prononce point que Jésus était un homme, les autres parce que je ne m’avance pas davantage et n’admets point sa divinité. Qu’il y ait en moi de la faiblesse, soit ; celui qui écrit des confessions doit se donner en tout tel qu’il est. »
Cette naïveté d’indécision fera peut-être sourire de pitié quelqu’un