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mystiques et une allure sacerdotale ; mais le fond des idées reste grec, mais cette doctrine, qui affecte les formes de l’extase, n’est qu’un développement immodéré de la spéculation platonicienne M Cousin a donné avec une grande justesse l’abstraction pour caractère à la philosophie de Platon. L’abstraction de plus en plus raffinée est aussi le caractère de l’école d’Alexandrie. Or, rien ne semble jusqu’ici moins abstrait, et ne devait moins l’être, que les dogmes religieux de l’ancienne Égypte. Sans connaître à fond ces dogmes, les scènes mythologiques tracées sur les murs des temples suffisent pour montrer qu’un petit nombre d’idées fort simples formaient la base de cette religion. L’action vivifiante du soleil et la force reproductrice de la nature animée y tenaient la plus grande place. Quant aux abstractions platoniciennes qu’ont voulu y trouver des écrivains qui, comme Alexandrins eux-mêmes ou comme Plutarque, y transportaient leurs propres idées, elles n’ont aucune valeur, historique, et il est à regretter que l’homme admirable qui avait, dans les monumens égyptiens dont il venait de révéler le langage, de quoi contrôler et réfuter ces interprétations prétendues, leur ait donné, dans son Panthéon égyptien, une importance qu’elles ne méritent pas. Qu’y a-t-il en effet chez les philosophes alexandrins qui rappelle les idées égyptiennes telles qu’on peut déjà les lire en grande partie sur les monumens ? Quel rapport peut exister entre Ammon générateur ou Ammon-soleil et l’unité divine des alexandrins dans laquelle l’être est tellement dégagé de tout attribut déterminée, tellement supérieur à toute conception finie, qu’il est un non-être, la substance ineffable, principe de toute réalité, mais qui elle-même échappe à la réalité par l’abstration ? Les triades jouent un grand rôle dans la philosophie alexandrine, et les divinités égyptiennes sont très fréquemment groupées en triades. Pourtant quelle analogie véritable pourrait-on trouver entre des trinités abstraites telles que l’ame, l’esprit, l’unité ou l’unité, l’ineffable, l’inintelligible, et la trinité naïve de l’Égypte, qui, sous les noms d’Osiris, d’Isis et d’Horus, et sous vingt autres noms, représente toujours le père, la mère et l’enfant ?

C’est évidemment des deux côtés un ordre d’idée et un esprit entièrement différens. Quelques emprunts de détail ont pu être faits, mais la philosophie d’Alexandrie n’a rien dû d’essentiel à une religion dont les enseignemens étaient aussi simples que les siens étaient métaphysiques.

Et les mystères, dira-t-on, les mystères d’Osiris et d’Isis, n’ont-il pu transmettre une doctrine réservée initiés aux initiés et plus abstraite que la religion écrite et sculptée sur les murs des temples ? J’attendrai pour répondre qu’on ait solidement établi qu’il y a eu un système de mystères et d’initiations propre à l’Égypte, et non importé de la Grèce. Je sais qu’on a fait grand bruit de ces mystères, à commencer par les