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de plus amples bénéfices, elles ne tarderont pas à voir surgir des concurrens. Dès-lors, et par l’effet seul de cette rivalité croissante, les prix tendront naturellement à baisser. Pour peu que la population du pays soit apte au travail manufacturier, que les institutions civiles ou politiques y soient d’ailleurs favorables, et pourvu que d’un autre côté les matières premières et les agens du travail s’obtiennent à bon marché, ces prix ne tarderont pas à tomber, même sans l’intervention de la concurrence étrangère, de 120 francs à 115, 110, 105 et au-dessous, en sorte que la différence du prix artificiel au prix du commerce libre s’atténuera de jour en jour. Et rien n’empêchera même qu’après un certain temps d’épreuve, les manufacturiers du pays venant à égaler ceux du dehors, cette différence ne s’efface entièrement. Alors la protection cessera d’agir, et la taxe imposée au pays dans l’intérêt de ses manufactures disparaîtra. C’est ce qui est arrivé depuis assez long-temps en Angleterre, par rapport à la plupart des articles manufacturés. C’est ce qui serait arrivé tout aussi infailliblement en France, si le législateur n’y avait éloigné ce résultat comme à plaisir, en maintenant contre toute raison les hauts prix des matières brutes. Il n’en est pas de même pour les produits naturels. Ici plus de concurrence indéfinie qui limite les prix dans le présent, ou qui les fasse baisser dans l’avenir. Les producteurs actuels, maîtres du marché, en jouissent sans trouble et l’exploitent sans remissions. Aussi, dans l’hypothèse que nous, venons d’admettre, le prix de 120 francs, une fois établi par le tarif, se maintiendra toujours. Il y a plus. Les prix de ces sortes de marchandises eussent-ils été précédemment aussi bas dans le pays qu’ils le sont au dehors, le seul établissement des droits restrictifs suffit pour les faire hausser d’un chiffre égal à tout le montant de ces droits, sans que dans la suite aucune circonstance puisse altérer, sinon accidentellement, ces proportions. Le progrès même de l’industrie, en supposant que le progrès soit possible dans ce cas, n’y fait rien. Sil amène une simplification dans le travail et une économie dans les frais de la production, il ne détermine pas pour cela la baisse des prix ; c’est le propriétaire du fonds qui en profite. La rente s’élève, et voilà tout. Ajoutons, toutefois, que cette élévation de la rente ne correspond jamais à la perte subie par le consommateur, parce qu’une exploitation mauvaise, inféconde, est la conséquence inévitable d’un tel régime.

En ce qui regarde les produits des mines, la vérité de cette observation est tellement frappante, elle ressort si clairement des circonstances mêmes du fait, qu’on est vraiment étonné que les esprits les moins clairvoyans ne l’aient pas dès long-temps comprise Aussi, pour notre part, sommes-nous toujours profondément surpris quand nous voyons des hommes éclairés, des hommes de sens, supposer qu’un temps viendra où, par le seul effet du progrès de notre industrie métallurgique,