Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 15.djvu/824

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’importantes concessions, et c’est aux matières premières que s’appliquaient toutes les réductions de droits antérieures aux dernières réformes. Voilà comment s’est établie, par le concours de certaines circonstances exceptionnelles, cette distinction à laquelle nul ne se serait arrêté d’abord.

Si nous cherchons maintenant à suivre dans leurs conséquences les divers systèmes que nous venons d’énumérer, en laissant à part, toutefois, les dispositions fiscales dont nous n’avons point à nous occuper en ce moment, voici ce que nous trouverons :

Les lois qui restreignent l’importation des articles manufacturés tendent évidemment à développer le travail manufacturier dans un pays. S’il n’existe pas de manufactures, ces lois ont pour résultat naturel de les faire naître, en offrant, aux dépens des consommateurs, une prime aux capitaux qui voudront s’y engager. Quand il en existe, elles tendent encore à en augmenter le nombre par l’appât des gros profits. Pour que ce résultat soit obtenu, il faut, il est vrai que les primes offertes soient plus ou moins considérables, selon que les circonstances intérieures se prêtent plus ou moins au succès de ce genre d’industrie. A cela près, on peut dire que, pour un peuple placé dans des conditions ordinaires de travail et suffisamment avancé d’ailleurs dans la civilisation, des droits même modérés établis sur les articles étrangers suffiront pour le porter activement vers les manufactures.

Sera-ce un bien ou un mal ? A nos yeux, cette question n’est pas douteuse. S’il est bon qu’un peuple se livre au travail manufacturier, ce n’est qu’autant que ses tendances naturelles l’y portent. Produites par l’excitation artificielle des droits restrictifs les manufactures coûtent trop cher au pays qui les possède. Ajoutons qu’elles s’y ordonnent toujours mal, surtout dans le principe, lorsque, trop faibles encore pour soutenir la concurrence étrangère, elles voient leur sphère d’action bornée de toutes parts par les limites de leur pays. Ce n’est que plus tard, lorsqu’elles commencent à se produire au dehors, qu’elles s’organisent sur un meilleur plan ; mais, pour arriver à ce nouvel état, que de transformations à subir ! De là des crises douloureuses, des perturbations funestes, châtimens ordinaires de ces erreurs. Ce qu’il est important de remarquer, c’est que des manufactures créées prématurément sous l’influence des tarifs protecteurs détournent les capitaux de l’agriculture, avant que ces capitaux se soient suffisamment accumulés pour être conduits à chercher par eux-mêmes des directions nouvelles. L’industrie agricole en souffre doublement, et parce que les capitaux s’éloignent d’elle avant le temps, et parce qu’elle perd, sous un tel régime, ses principaux moyens d’échange avec l’étranger.

Si les droits protecteurs qui s’appliquent aux produits ouvrés ont pour résultat de développer le travail manufacturier dans un pays, il semble