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pernicieuses, mais celles qui atteignent les produits naturels sont de beaucoup les plus funestes. Elles pèsent durement sur la condition du peuple, et, quand elles s’appliquent aux matières premières, elles tiennent l’industrie même captive. Pour opérer une réforme sans trouble, pour la tenter avec fruit, c’est donc à ces dernières lois qu’il faut d’abord s’adresser. Ainsi a procédé l’Angleterre en obéissant à la seule force des choses : c’est vers le même résultat que la France doit tendre si elle veut obtenir des succès pareils. Quant aux droits sur les articles manufacturés, ils n’ont plus en France les inconvéniens qu’ils peuvent encore avoir en Allemagne ou aux États-Unis. Ce mouvement vers l’industrie manufacturière, qu’on cherche à produire artificiellement dans le Zollverein et dans l’Union américaine, est aujourd’hui pour la France un fait consommé. Notre industrie, quoi qu’on en dise, est tout aussi perfectionnée que l’industrie anglaise, à cela près de l’organisation, qui est une conséquence naturelle de l’étendue du débouché. Qu’on vienne à supprimer les droits sur les matières premières et sur les agens du travail, et elle sera tout étonnée de se trouver l’égale de cette industrie anglaise qu’elle redoute si fort aujourd’hui. Alors elle provoquera elle-même la suppression des droits protecteurs qui la concernent. Jusque-là il n’y a aucun danger à les lui conserver ; à d’autres égards, la prudence même en fait une loi.


CHARLES COQUELIN.