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n’admettrions-nous pas qu’à ces astres sont attachés des esprits, et que les premiers hommes ont pu se mettre en rapport avec eux par le culte et par les monumens ? — Tel était en effet le but de la magie primitive dit le cheik : ces talismans et ces figures ne prenaient force que de leur consécration à chacune des planètes et des signes combinés avec leur lever et leur déclin. Le prince des prêtres s’appelait Cater, c’est-à-dire maître des influences. Au-dessous de lui, chaque prêtre avait un astre à servir seul, comme Pharouïs (Saturne), Rhaouïs (Jupiter) et les autres. Aussi chaque matin le Cater disait-il à un prêtre : « Où est à présent l’astre que tu sers ? » Celui-ci répondait : « Il est en tel signe, tel degré, telle minute ; » et d’après un calcul préparé, l’on écrivait ce qu’il était à propos de faire ce jour-là. — La première pyramide avait donc été réservée aux princes et à leur famille ; la seconde dur renfermer les idoles des astres et les tabernacles des corps célestes, ainsi que les livres d’astrologie, d’histoire et de science : là aussi les prêtres devaient trouver refuge. Quant à la troisième, elle n’était destinée qu’à la conservation des cercueils de rois et de prêtres, et, comme elle se trouva bientôt insuffisante on fit construire plus tard les pyramides de Saccarah et de Daschour. Le but de la solidité employée dans ces constructions était d’empêcher la destruction des corps embaumés qui, selon les idées du temps, devaient renaître au bout d’une certaine révolution des astres dont on ne précise pas au juste l’époque.

— En admettant cette donnée, dit le consul, il y aura des momies qui seront bien étonnées un jour de se réveiller sous un vitrage de musée ou dans le cabinet de curiosités d’un Anglais.

— Au fond, observai-je, ce sont de vraies chrysalides humaines dont le papillon n’est pas encore sorti. Qui nous dit qu’il n’éclora pas quelque jour ? J’ai toujours regardé comme impie la mise à nu et la dissection des momies de ces pauvres Égyptiens. Comment cette foi consolante et invincible de tant de générations accumulées n’a-t-elle pas désarmé la sotte curiosité européenne ? Nous respectons les morts d’hier ; mais les morts ont-ils un âge ?

— C’étaient des infidèles, dit le cheik.

— Hélas ! dis-je, à cette époque ni Mahomet ni Jésus n’étaient nés.

Nous discutâmes quelque temps sur ce point, où je m’étonnais de voir un musulman imiter l’intolérance catholique. Pourquoi les enfans d’lsmaël maudiraient-ils l’antique Égypte, qui n’a réduit en esclavage que la race d’Isaac ? A vrai dire, pourtant, les musulmans respectent en général les tombeaux et les monumens sacrés des divers peuples, et l’espoir seul de trouver d’immenses trésors engagea un calife à faire ouvrir les pyramides. Leurs chroniques rapportent qu’on trouva dans la salle dite du roi une statue d’homme de pierre noire et une statue de femme de pierre blanche debout sur une table, l’un tenant une lance et l’autre un arc.