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vers le Ve siècle avant l’ère chrétienne, un comptoir phénicien ou carthaginois, dont les magistrats s’assemblèrent pour régler en commun le rituel religieux.


III.

On connaît maintenant l’histoire des études phéniciennes et puniques. Il nous reste une dernière question à traiter. Le déchiffrement des épigraphes numismatiques ou lapidaires appartenant à l’idiome des deux nations est-il, sinon facile, du moins possible ? La marche qu’on a suivie pour y parvenir présente-t-elle des garanties suffisantes, ou doit-elle être condamnée comme arbitraire et hypothétique ?

Un premier point, et le plus important de tous, était bien connu à l’avance, et il ne saurait être aujourd’hui plus que jadis sujet à contestation : entre l’idiome phénicien et l’idiome hébraïque il y a une affinité très étroite. D’ailleurs les témoignages de saint Augustin, de Priscien et de saint Jérôme, ne fussent pas venus jusqu’à nous pour nous en convaincre, qu’il serait nécessaire, je n’hésite pas à le dire, de conclure des faits matériels les plus probans que cette affinité doit exister. Une nation entourée sur toutes les limites de son territoire d’autres nations de même origine, avec lesquelles elle est liée par les liens du sang, ne peut pas parler une langue qui diffère essentiellement de celle que parlent ses voisins. C’est là précisément le cas de la nation phénicienne. Placée dans la zone maritime assez étroite à laquelle touchent de toutes parts des contrées habitées par les races évidemment sœurs qui parlèrent les idiomes hébraïque, syriaque, chaldéen et arabe, dialectes très rapprochés d’une seule et même langue primitive, la race phénicienne devait infailliblement elle-même se servir d’une langue qui se rattachait à la même souche. Si une induction aussi rationnelle est constatée par des témoignages anciens dont l’autorité demeure irrécusable, il est clair que le fait qu’il s’agit de prouver acquiert le degré le plus désirable de certitude. C’est ce qui a lieu pour la Phénicie ; nous pouvons donc affirmer dès-lors qu’avant de tenter le déchiffrement des écritures phéniciennes, on savait parfaitement ce qu’il fallait s’attendre à trouver sous cette écriture mystérieuse : il devait y avoir identité entre les radicaux phéniciens et les radicaux hébreux ; de plus, le mécanisme grammatical devait être à tout le moins très voisin de celui que nous offre la langue hébraïque. Ceci posé, voyons comment l’on a pu et dû s’y prendre pour aborder les tentatives de déchiffrement.

Quand il s’agit de procéder à la recherche d’un problème de ce genre, l’étude des monumens bilingues peut seule donner des résultats assurés. Si donc ces monumens bilingues se présentent, c’est