promener sur les chemins, y voir passer les voitures, comme font nos Parisiennes à Longchamps. Je comprends parfaitement que ce passage de Racine paraisse fort puéril à M. Wey. Est-il besoin de rappeler que ce que Phèdre va chercher au fond des forêts, ce n’est pas la chaste Diane, mais le chasseur Hippolyte ? que ce qu’elle suit de l’œil dans la carrière, c’est encore Hippolyte, soulevant autour de son char la poussière du stade[1] ? Que M. Francis Wey aille entendre Mlle Rachel dans ce rôle : qu’il la voie se soulevant avec effort, et suivant de son regard, de son bras étendu, de tout son corps, de toute son âme, ce char qui emporte tout ce qu’elle aime, et il reconnaîtra que le désir de Phèdre n’est pas d’aller se promener sur les grands chemins.
M. Wey est fort sévère encore pour quelques autres de nos grands écrivains :
« L’évêque de Meaux, le roi de l’antithèse, abuse parfois de la royauté ; c’est un de ceux qui ont le plus sacrifié aux faux dieux de la phrase. » (Tome II, page 208.)
« Bernardin de Saint-Pierre ne posséda le talent de description qu’à un degré médiocre. » (Tome II, page 396.)
André Chénier, arrière-vassal de Racine, a eu tort de dire, en parlant d’Homère : L’harmonieux vieillard. « C’est comme si l’on disait à un vieil architecte : Vieillard architectural. » Harmonieux se dit plutôt des choses que des personnes ; mais le poète n’a-t-il pas été souvent comparé à un instrument harmonieux, à une chose ? Le poète, cette chose sacrée et ailée, dit Platon. Je suis chose légère, dit encore La Fontaine.
M. Francis Wey est quelquefois trop difficile peut-être en fait de clarté. Dans la Folle Journée, Figaro dit, en parlant du feu d’artifice que l’on a placé sous les grands marronniers (ce qui dérange les projets du comte Almaviva) : « Je ne m’étonne plus s’il avait tant d’humeur sur ce feu. » Sur ce feu n’est peut-être pas très correct ; mais le lecteur apprendra, sans doute avec surprise, qu’en lisant ce passage, il a couru le risque de faire un bien grossier contre-sens. « Qui ne croirait, s’écrie M. Wey, qu’on a fait rôtir le comte Almaviva, et que telle est la cause de cette humeur ? » Mais pourquoi se méfier à ce point de la sagacité des lecteurs ? Pourquoi supposer le public si dépourvu d’intelligence ? Il est vrai que ce préjugé est excusable chez un journaliste.
Quelquefois les éloges sont aussi inattendus que les critiques : « Les descriptions de l’Odyssée sont des chefs-d’œuvre de convenance ; le métier y est entendu à un degré prodigieux. » Nous profitons de cette occasion pour recommander aux feuilletonistes l’étude d’Homère ; cette lecture ne peut manquer de les perfectionner dans leur métier.
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Tantôt faire voler un char dans la carrière...
Mon arc, mes javelots, mon char, tout m’importune.