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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 16.djvu/1130

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contre un petit état, dont l’indépendance était garantie par les traités, a produit sur les esprits une impression profondément douloureuse : sympathie honorable et qui est aussi comme un retour que l’Italie a fait sur elle-même. Quand elle se compare, nous ne disons pas à la France, à l’Angleterre, mais à l’Allemagne, l’Italie sent combien de difficultés elle a à vaincre pour conquérir cette liberté pratique qui est le but légitime de tous les peuples de l’Europe, et les usurpations du despotisme, lors même qu’elles s’exercent loin d’elle, lui inspirent de la répulsion et de l’effroi. Au reste, depuis quelque temps, l’Italie est dans une situation nouvelle et meilleure. Elle espère dans quelques-uns de ses gouvernemens, et les opinions extrêmes, comme celles du radicalisme, qui l’avaient souvent compromise, ont cédé peu à peu la place à des opinions modérées qui font sentir en ce moment leur salutaire influence. Dans le Piémont, les hommes les plus éclairés secondent de leurs vœux et de leurs efforts le gouvernement du roi de Sardaigne dans ses essais d’améliorations. Rome continue de mettre sa confiance dans le gouvernement du nouveau pape. Pie IX est exposé à un danger que ne courent pas tous les princes. La popularité dont il est entouré pourrait plus tard être pour lui une source d’embarras et de dégoûts. Dans les masses, le passage de l’admiration à la défiance est assez ordinaire. Il ne manque pas non plus d’esprits critiques, chagrins, qui s’arment d’une incrédulité systématique contre la durée du bien. Il y aurait trop de naïveté ou trop d’outrecuidance à vouloir se porter garans de l’avenir : nous nous contenterons de remarquer que jusqu’à présent le pape n’a trompé aucune attente légitime Si quelques esprits plus exclusifs qu’équitables avaient été choqués de trouver dans son encyclique l’expression vive et ardente des croyances catholiques et la condamnation du rationalisme, nous réclamerions pour Pie IX le droit d’être chrétien, sans alliage de philosophie humanitaire. En dehors du domaine de la foi, Pie IX travaille avec persévérance à des réformes intérieures : il a nommé des commissions mixtes qui doivent rechercher les moyens de confier une partie de l’administration à des fonctionnaires laïques. Dans une circonstance importante, le pape a aussi montré une fermeté louable. De graves désordres avaient éclaté à Bologne, où pendant quelque temps des gens sans aveu, l’écume de la population italienne, avaient jeté l’épouvante. Quand la nuit venait, ou ne pouvait sans péril traverser les rues les plus fréquentées de Bologne. Des citoyens honorables, des jeunes gens de bonne famille, avaient été assassinés. Enfin la jeunesse de Bologne prit les armes, forma des patrouilles, et demanda au cardinal-légat Vannicelli l’autorisation de constituer une milice urbaine. Le cardinal refusa : il appréhendait d’organiser militairement une partie de la population bolonaise. Le pape, à qui on en référa, pensa qu’il y avait encore plus de péril à laisser les citoyens désarmés devant l’anarchie, et il autorisé la création d’une milice à Bologne.

Pendant que les premiers germes d’un régime meilleur se développent dans quelques parties de l’Italie, l’Espagne fait ses élections, et elle entre sérieusement dans la vie politique des peuples libres. Il siérait mal d’être trop exigeant à son égard, c’est déjà beaucoup que des élections générales s’accomplissent d’une manière régulière, et que la vivacité des partis se renferme dans les limites de la légalité. Il y aurait plutôt quelque désordre dans les hautes sphères du pouvoir. La facilité avec laquelle, à Madrid, les crises ministérielles se déclarent de la