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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 16.djvu/1136

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protecteur et de l’autorité des pouvoirs exécutifs, les whigs purs rencontrèrent une opposition décidée dans leur propre parti, et il s’est produit dans ces rangs, jusqu’alors assez fermement unis, une scission qui diminue leur force. Les whigs ont notoirement perdu, soit à New-York, soit à Massachusets.

À New-York en particulier, il s’est fait récemment le plus singulier échange d’opinions. Le peuple de l’état a dû voter, en novembre sur une constitution nouvelle qui lui a été soumise le 9 octobre par ses délègues réunis en convention spéciale. Cette constitution a certainement été rédigée dans un sens démocratique, mais non point radical ; les réformes introduites l’ont été, suivant la remarque presque universelle, avec la crainte expresse de déranger trop les choses reçues. On s’est efforcé de consolider et de liquider la dette de l’état, et, pour leur part, les whigs ont, en somme, été plus loin que ne l’attendaient ou même ne le souhaitaient leurs adversaires. La presse démocratique blâme, la presse whig approuve l’article du projet qui soumet à l’élection populaire le plus grand nombre des places dans les cités, villes et comtés, et les plus importantes fonctions de l’état ; les démocrates ont eu la sagesse de ne voir là qu’un abus du pouvoir électif. D’autre part, la convention n’a pas voulu prendre sur elle de décider à l’avance si les hommes de couleur auraient droit de suffrage ; elle a renvoyé la question tout entière au peuple assemblé. Les whigs se déclarent en faveur de l’égalité des noirs et des blancs, ce sont les démocrates qui repoussent l’accession de ces nouveaux votans, et comment ? Ils opposent les droits conférés aux droits naturels, et distinguent énergiquement le droit spécial de la capacité politique, du droit humain de liberté et de sécurité, voilà des argumens bien inattendus de ce côté-là. Enfin la question de la rente a été aussi agitée dans la convention de New-York, mais sans résultat dans un sens ou dans l’autre, sans qu’on ait pu aboutir à quelque conclusion qui fit pencher décidément la balance. On dirait que whigs et démocrates reculent devant ce mal devenu maintenant un motif d’agitation permanente. L’anti-rentisme a occupé tour à tour les cours de justice et les cours d’équité ; ç’a été une pierre d’achoppement pour les gouverneurs provinciaux et pour les jurés, il a coûté bien du temps et de l’argent, déjà même du sang et des larmes, il domine l’imagination publique et défraie en partie cette littérature courante des romanciers et des conteurs américains, si peu connue et souvent si peu digne de l’être. Il lui manquait d’avoir produit ce phénomène qu’on a vu dernièrement encore à New-York, des whigs votant d’accord avec des anti-renters pour un whig qui avait attaqué des droits de propriété comme entachés d’un caractère féodal.

Cette alliance nouvelle des démocrates modérés et des whigs progressistes se voit encore mieux et s’explique plus facilement dans les questions de réforme financière. Le nouveau tarif a été l’occasion ou la cause de changemens inverses dans les deux camps. On se rappelle qu’il avait été promis d’abord un abaissement uniforme des droits ; tous les droits à l’importation devaient être réglés au-dessous du taux de 20 pour 100. Ce niveau commun compensait par la généralité même de ses réductions le désavantage qui pouvait naître pour telle ou telle industrie de chaque réduction particulière ; mais arrivèrent coup sur coup des difficultés sérieuses avec le gouvernement anglais, des hostilités ouvertes avec le Mexique : le tarif fut composé sous l’influence de ces préoccupations ; il fallait de l’argent à la caisse fédérale. Au lieu d’un niveau bas et uniforme, on adopta les proportions