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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 16.djvu/175

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puissante, la France, qui ne calcule plus quand il s’agit de sa suprématie militaire, se croira indemnisée de l’or et du sang qu’elle a versé, qu’elle doit verser long-temps encore sur le sol africain.

Ce tableau des ressources agricoles de l’Algérie légitime l’enthousiasme de la France pour sa conquête. La facilité de multiplier à l’infini les céréales à une époque où plusieurs peuples ne sont pas sans inquiétude pour leur subsistance, les belles chances offertes à l’industrie pastorale par l’incomparable richesse des prairies, cette variété d’arbres qui donnent des produits de vente en abritant les terres ensemencées, l’acquisition de la plupart des plantes commerciales, le chanvre, le coton, la soie, le tabac, obtenus en abondance et dans les meilleurs qualités, mille sources de petits profits à joindre au courant des grandes affaires : tels sont les éblouissans résultats auxquels l’agriculture algérienne pourrait prétendre. Et pourtant, après seize années de tâtonnemens, l’œuvre de la colonisation est à peine commencée. Abstraction faite des jardins et des champs cultivés d’ancienne date dans le voisinage des villes, et pour ne parler que des nouveaux centres agricoles que l’administration française a essayé de créer en faveur des Européens, sur 12,125 hectares délivrés aux colons, un tiers seulement, 4,486 hectares ont été défrichés et cultivés. Deux entreprises vraiment florissantes, et dont l’avenir paraît incalculable, absorbent le tiers de la surface mise en exploitation ; ce sont : la ferme des trappistes de Staoueli, qui contient 1,020 hectares, et le village de Souk-Ali, près de Bouffarik, fondé par M. Borely-Lassapie, sur une concession de 404 hectares. La plupart des autres domaines qu’on signale comme mis en valeur sont des champs dont on nettoie à peine la terre, et que l’on convertit à la hâte en herbages naturels ou en maigres plantations, afin d’éviter l’impôt qui frappe les terres incultes. En ce moment, la spéculation, est indécise : le mouvement qui entraînait les ouvriers européens vers l’Algérie s’est ralenti. Pourquoi tant d’espérances semblent-elles aboutir au découragement ? Quelles circonstances économiques font obstacle à l’utile exploitation du sol algérien ? La réponse à ces questions ressortira de l’étude que nous nous proposons de faire des divers systèmes de colonisation proposés théoriquement, ou mis à l’essai jusqu’à ce jour.


A. COCHUT.