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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 16.djvu/191

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que la simplicité un peu trop naïve de l’invention, si les détails, les peintures, les incidens, n’appelaient une critique tout autrement sévère. Rien de plus bourgeois, en effet, que ce tableau, et, comme il s’agit des rudes conquérans du Ve siècle, tout ce qu’il y a de mou, de gauchement pastoral dans la composition, vous choque plus cruellement encore. Il semble voir ici une glorification de la lâcheté. Non, ce n’est pas l’influence supérieure de l’amour que M. Halm a chantée dans son poème. La soumission si facile, si vulgaire, du chef des barbares, ne rappelle nullement, croyez-le bien, le farouche Mauprat dompté par la noble Edmée, ni ces trois frères aux allures sauvages que vaillance sait convertir avec une grace si poétique. Cela me remet en mémoire, bien plutôt, le dialogue du chien avec le loup :


Quittez les bois, vous ferez bien ;
Vos pareils y sont misérables,
Cancres, hères, et pauvres diables,
Dont la condition est de mourir de faim.
Car, quoi ! rien d’assuré ! point de franche lippée !
Tout à la pointe de l’épée !
Suivez-moi, vous aurez un bien meilleur destin.


Or, le loup, comme on sait, est plus dignement inspiré que le héros de M. Hahm. La fable de La Fontaine prêche la liberté ; le drame du poète autrichien prêche une soumission aveugle, dissimulée seulement sous les séductions de l’amour. Singulière peinture pour un Allemand ! Quoi ! un de ces hardis Germains des premiers siècles muselé par la jeune Grecque, apprivoisé d’un seul mot, et conduit en laisse dans une boutique de Massilia ! Nous voici un peu loin de ces poètes euthousiastes qui s’enflammaient d’une si belle passion pour Arminius et les héroïques rudesses de la Germanie primitive ; mais il y a déjà long-temps que l’Autriche s’est retirée du mouvement de l’Allemagne, et qu’on y chante plus aisément l’humilité que le courage et l’audace.

Après les molles inspirations d’Imelda Lambertazzi, après les funestes conseils que donne, sans le savoir peut-être, le drame que je viens de juger, il est clair que M. Halm a mal défendu, contre les influences subtiles et redoutables qui l’entourent, l’idéal sacré, les généreux instincts annoncés brillamment dans ses premiers travaux. Il a trop faiblement lutté, il a perdu la bataille. On a dit souvent que chaque poète apporte une somme d’inspirations à féconder, un idéal à mettre en lumière ; on a dit que tous ces trésors doivent être disputés par lui au monde, et protégés contre les atteintes de la société. Si cela est juste en tout lieu, n’est-ce pas vrai surtout dans un pays où la pensée ne saurait être libre, où le domaine du poète est violemment rétréci, où la Muse, à chaque élan sublime, va se heurter à des barrières ? L’étude que nous avons faite accuse assez clairement les coupables. On a vu se lever un jeune