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du rôle géologique joué à sa surface par les animaux varie, pour ainsi dire, en raison inverse de leur taille et de leur degré d’organisation. Les animaux supérieurs, ceux chez lesquels la machine animale avait acquis son plus haut degré de perfection, n’ont laissé que de faibles traces. On n’a encore trouvé que trois ou quatre débris d’ossemens appartenant à des singes ; les mastodontes, les éléphans, les reptiles gigantesques eux-mêmes, n’ont laissé que de rares squelettes dont la science est heureuse de retrouver çà et là les fragmens isolés. Au contraire, les animaux inférieurs ont contribué puissamment à former l’écorce solide que nous habitons ; les coquilles entrent quelquefois pour plus de moitié dans la structure de certaines montagnes, et des couches entières sont composées uniquement d’infusoires, de ces infiniment petits dont les carapaces disparaissent par centaines sous la pointe d’une aiguille. On voit que l’étude de ces êtres inférieurs, si importante pour le physiologiste et le zoologiste, n’offre pas au géologue de moins graves sujets de méditation.

La structure lâche et peu serrée du calcaire de Palerme permet aux eaux fluviales de s’y accumuler comme dans une sorte d’éponge et de fournir à la mince couche de terre qui recouvre la roche l’humidité nécessaire pour combattre l’influence des longues sécheresses. Ces eaux, arrêtées en outre par le calcaire compacte dont les assises servent de base à toute l’île, se réunissent en nappes souterraines, et alimentent bon nombre de puits ou de sources intarissables ; aussi toute la culture de l’île est-elle concentrée sur les points occupés par ce calcaire bienfaisant qui seul empêche Favignana de n’être, comme Levanzo, qu’un vaste écueil inhabitable.

La capitale de Favignana est placée à peu près au centre de l’île, au bord d’un petit havre qui pénètre profondément dans les terres ; elle se compose de trois à quatre cents maisons presque toutes proprement bâties, et compte environ trois mille habitans, qui nous ont paru jouir d’une aisance générale, inconnue dans les villages de la côte ; mais, si le bien-être règne parmi cette population isolée, elle nous a paru fort en arrière sous d’autres rapports, et nous avons retrouvé chez elle quelques habitudes qui rappellent singulièrement l’enfance de la civilisation. Je me contenterai d’en citer un exemple. Il n’y a point d’horloge publique à Favignana, et, pour y suppléer, on n’a rien imaginé de mieux que de charger un homme d’en remplir les fonctions. Placé dans le donjon d’une des forteresses qui défendent le village, cet employé, pour avertir ses concitoyens de la marche du temps, frappe les heures sur une cloche avec un marteau. Un sablier lui sert d’indicateur. On comprend que cette machine animée doit se déranger facilement, et nous avons pu constater en effet plus d’une fois que, sous le rapport de la régularité,