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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 16.djvu/302

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développant, se modifiant, produirait, selon les circonstances, tantôt les fibres musculaires, tantôt le parenchyme des glandes ou la trame des os. Les vaisseaux ne seraient également que des cellules qui, d’abord sphériques, et, venant plus tard à s’allonger, à s’aboucher les unes aux autres, constitueraient, par leur réunion, les mille ramifications vasculaires du corps. Cette théorie compte, nous devons le dire, des partisans nombreux et distingués. Elle séduit par sa simplicité, par la manière dont elle permet d’embrasser tous les phénomènes de développement et par les rapports qu’elle établit entre les deux grandes divisions de la création organisée. Depuis long-temps, en effet, une théorie semblable est adoptée par les botanistes, qui la regardent comme l’expression de tous les faits observés chez les végétaux. Nous venons de voir qu’il n’en est pas de même pour les animaux. Chez ces derniers, la théorie cellulaire donnera, nous le croyons, quelques résultats utiles. Elle peut être propre à nous diriger dans l’étude de certains tissus animaux qui ont des rapports éloignés avec ceux des plantes ; mais, appliquée au règne animal entier, elle ne saurait être acceptée comme vraie dans sa généralité.

Ajoutons encore un exemple à ceux que nous avons cités plus haut. Depuis long-temps, on savait que chez les anodontes ; espèce de moules d’eau douce très commune aux environs de Paris, le cœur est traversé par la dernière partie de l’intestin. D’autre part, M. Edwards, étudiant l’organisation des patelles et des haliotides, a reconnu que, chez ces mollusques, l’aorte, c’est-à-dire la grande artère qui part immédiatement du cœur, renferme une partie de l’appareil buccal. Ces faits curieux sont inexplicables par la théorie cellulaire. On ne comprend pas, en effet, comment une cellule, en se développant, pourrait enfermer dans son intérieur des organes d’abord placés au dehors ; elle devrait plutôt les refouler à mesure qu’elle-même augmenterait de volume. Au contraire, on conçoit sans peine que ces organes, formés au milieu d’un espace parfaitement libre, ont dû être entourés par les parois, qui, en se constituant plus tard, ont transformé la lacune en vaisseau ou en cœur.

L’ensemble d’idées que nous avons cherché à résumer a été, nous le répétons, repoussé d’abord avec une véritable violence. On lui a prodigué les épithètes d’incroyable, d’absurde, de ridicule, on a traité d’impossibles bon nombre des faits sur lesquels il s’appuie. C’est à Paris surtout, nous le disons à regret, que s’est manifestée cette opposition, qui eût été respectable sans doute, si elle avait toujours pris sa source dans des convictions scientifiques et consciencieuses. Malheureusement elle n’a eu trop souvent pour motifs que des rivalités personnelles. Plus désintéressés, les étrangers en ont compris toute la valeur, et lui ont rendu justice. Les hommes les plus distingués d’Angleterre, de Belgique,