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de sa véritable nature. Sur la foi des érudits, on admet que ce n’est ni une flamme ni un corps solide. On ne redoute donc ni l’incendie ni le choc ; mais, à tout prendre, cette vapeur lumineuse, si ténue et si dépourvue de calorique, doit pourtant exercer une influence quelconque. Et laquelle, et à quel moment ? C’est ce que tous les philosophes, tous les académiciens de tous les pays cherchent en même temps à deviner. Les optimistes écartent l’idée d’une catastrophe, invoquant, pour gage de leur confiance, le passage de plusieurs comètes parmi les satellites de Jupiter sans qu’il en soit résulté aucun bouleversement sidéral. Les théologiens, pieusement alarmés, remontent aux prophéties bibliques et les commentent au peuple avec une ferveur, une puissance de foi et de persuasion que la crise prochaine rend très naturelles : cependant ils n’obtiennent qu’un crédit limité. Ils annoncent la combustion du globe, et ses habitans savent, à n’en pouvoir douter, que le contact de la comète ne peut avoir ce résultat. Si vous vous étonnez de cette confiance accordée par le vulgaire aux conclusions toujours plus ou moins hasardées de la science humaine, le narrateur vous explique que les préjugés, les erreurs populaires en matière de comète, — les vaines craintes de guerre et de peste qu’on rattachait autrefois à l’apparition de ces astres errans, — se sont évanouis devant l’imminence d’un danger plus certain et mieux connu. — « Par une sorte d’effort convulsif, la raison avait précipité de son trône l’antique superstition, déjà ébranlée. Une préoccupation nouvelle, un intérêt dominateur, donnaient une certaine vigueur aux intelligences les plus débiles. »

Fidèles à leur instinct de tout connaître, et même de tout prévoir, les érudits se mettent à débattre les diverses altérations, plus ou moins essentielles, que la rencontre de la terre et de la comète ne saurait manquer d’amener. Le climat, la végétation, seront-ils ou non modifiés ? A-t-on à craindre des bouleversemens causés par l’électricité ? La puissance mystérieuse du magnétisme va-t-elle se manifester par quelques désastres ? Et, tandis qu’on discute ces points secondaires, l’étoile chevelue approche toujours, grandit, jette un éclat plus terrible.

Arrive un moment où les peuples ne prêtent plus l’oreille à de si vains débats. Le danger, jusque-là resté dans le domaine des chimères, revêt tout à coup un caractère de réalité, de certitude, qui fait pénétrer la crainte dans les cœurs les plus fermes. « La comète avait cessé d’être un phénomène dans le ciel ; c’était un incube sur nos poitrines, un nuage dans notre cerveau. Elle avait pris avec une inconcevable rapidité l’aspect d’un vaste rideau de flamme transparente, étendu d’horizons en horizons. »

Tout à coup la crainte universelle, parvenue à son apogée, se dissipe. Déjà, et bien évidemment sous l’influence de cette fatale rencontre, objet de tant de terreurs, les êtres animés continuent à vivre ;