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point aller à l’indifférence et à l’apathie. Plus l’instruction élémentaire deviendra générale et active, plus il est nécessaire que les hautes études, les grands travaux scientifiques, soient également en progrès ; si le mouvement intellectuel allait toujours croissant dans les masses, pendant que l’inertie régnerait dans les régions élevées de la société, il en résulterait tôt ou tard une dangereuse perturbation ; je regarde donc comme un devoir imposé au gouvernement, dans l’intérêt social, de prêter également son appui, et d’imprimer, autant qu’il est en lui, une impulsion harmonique à toutes les études, à la science haute et pure, aussi bien qu’à l’instruction populaire et pratique.

Les lignes que nous citons s’adressaient aux sociétés savantes, et elles offraient cela de piquant, qu’en cherchant à stimuler leur zèle au nom d’une haute pensée politique, la circulaire officielle était en contravention avec leurs statuts en vertu desquels la politique est interdite. Après avoir donné de grands éloges aux bonnes intentions, le ministre se plaignait de la stérilité des résultats ; il y trouvait deux motifs, le manque d’encouragement, le manque de publicité, et, pour remédier à cette situation regrettable, il annonçait l’intention d’établir, entre le ministère de l’instruction publique et les diverses sociétés savantes, une correspondance régulière, de publier chaque année, sous les auspices du gouvernement, un recueil contenant quelques-uns des mémoires les plus importans et un compte-rendu sommaire, rédigé sur le plan du bulletin de l’Académie des sciences. Ce projet n’eut point de suite ; les encouragemens se bornèrent à quelques distributions de livres. L’ardeur cependant ne fut point ralentie ; les congrès, les associations provinciales, s’unirent bientôt aux sociétés ; l’attention publique s’éveilla sur tous les points ; la presse parisienne elle-même, ordinairement si dédaigneuse pour les travaux qui n’ont point reçu la consécration de la capitale, se préoccupa de ces réunions qui abordaient hardiment les plus hautes questions de l’économie politique ; enfin, le gouvernement, qui trouve dans ces sortes d’associations des auxiliaires puissans pour le progrès calme et régulier, et qui craindrait peut-être de les voir s’égarer en les abandonnant à elles-mêmes, le gouvernement est intervenu récemment, et d’une façon qui, cette fois, nous l’espérons du moins, sera définitive : M. le ministre de l’instruction publique a promis de diriger, de relier entre elles les diverses sociétés de Paris et de la province, et de les aider pan un crédit spécial porté au budget à dater du 1er janvier 1846.

L’Annuaire, dont la publication a été prescrite par l’ordonnance du 27 juillet 1845, a enfin paru. Rédigé avec un grand soin par M. Achille Comte, d’après les renseignemens fournis par les corps savans eux-mêmes, cet annuaire comprend la notice historique de chaque société, avec l’indication des travaux les plus importans depuis l’origine, les textes des règlemens, les listes des membres. La première partie est consacrée aux sociétés de la capitale, la seconde à celles de la province. Nous allons d’abord nous occuper de Paris, et nous aurons souvent à compléter les documens statistiques et administratifs donnés par M. Comte, en y ajoutant, avec l’appréciation des divers travaux académiques, les renseignemens qui ne sont point contenus dans la publication officielle.