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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 16.djvu/531

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M. Motteley, des mystères de M. Sicongne, des romans chevaleresques de M. A. Bertin, des manuscrits à vignettes de. M. Barrois, des livres annotés de M. Aimé Martin, des belles collections de M. le duc de Luynes. Je ne sais rien cependant de plus agréable et de plus utile dans la vie que ces passions artificielles, et la bibliomanie est du nombre, qui absorbent et qui font oublier, par des distractions inoffensives, les préoccupations folles de l’ambition et de la vanité, regardées bien à tort comme sérieuses. On a de la sorte toutes les joies du sentiment sans en avoir les douleurs.

L’Institut historique et les bibliophiles représentent en quelque sorte, dans le mouvement académique de Paris, les amateurs et les mondains, tandis que la Société de l’histoire de France et celle de l’École des chartes réunissent les érudits positifs, les pionniers de profession.

La première, qui compte parmi ses fondateurs MM. Guizot, Thiers, de Barante, a pour but la publication des documens originaux. Un conseil, composé de quarante membres, désigne les ouvrages qui doivent être publiés aux frais de la société, et les personnes chargées de les éditer. La société a donné ainsi une série d’excellentes éditions qui comprend, du IVe au XVIIIe siècle, des chroniques et des mémoires parmi lesquels nous citerons les œuvres complètes d’Éginhard, Orderic Vital, Villehardoin, Pierre de Fenin, Comines, les lettres de Marguerite d’Angoulême, les mémoires et les lettres de Marguerite de Valois, le procès de Jeanne d’Arc ; les éditions princeps, comme les réimpressions, sont toutes faites avec un grand soin[1]. Outre la publication des documens originaux, on doit encore à la société un bulletin périodique et un Annuaire, véritable manuel d’érudition pratique, où se trouvent fort heureusement résumées d’importantes indications géographiques, chronologiques, paléographiques, dispersées dans les recueils spéciaux.

La Société de l’école des chartes n’est pas moins active, mais son but est moins de populariser les sciences historiques que de leur apporter de nouveaux élémens par l’étude des documens et des sources. Formée des élèves de l’école, elle publie sous le titre de Bibliothèque un recueil dans lequel figurent des monumens de notre ancien droit, de notre ancienne poésie, des chroniques, des chartes, des inscriptions, des recherches sur l’ancienne langue, des biographies, des restitutions de texte. C’est un excellent supplément aux Analecta, au Thesaurus anecdotorum, aux Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque royale, et sans aucun doute la Bibliothèque de l’école des chartes occupe le premier rang parmi toutes les publications des compagnies savantes que nous venons de citer ; mais il est un reproche que nous ne pouvons passer sous silence. MM. les élèves de l’école sont jeunes et ont l’avenir devant eux. Pourquoi donc, au lieu de chercher des appuis dans la jeunesse, au lieu d’appeler à leur aide la génération qui grandit, ont-ils appelé celle qui décline ? En d’autres termes, pourquoi ont-ils posé en principe que les membres de l’Institut seraient seuls admis à écrire dans

  1. Ce zèle est chose d’autant plus méritoire que la somme allouée, par la société pour le travail complet d’un volume, copie et collation de textes, notes, éclaircissemens, introduction, révision d’épreuves, etc., est la même que celle allouée uniquement pour frais de copie à chaque volume de la Collection des Documens inédits, publiée par le gouvernement.