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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 16.djvu/536

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Monge, Lacroix, Laplace, Chaptal, Cuvier, Ampère, Dulong, Fresnel, a rendu et rend encore d’incontestables services. Le résultat de ses travaux fut consigné pendant plus de trente ans dans un journal dont le premier cahier parut en 1791, et qui fut continué, avec un succès européen, jusqu’à l’apparition des comptes-rendus de l’Académie des sciences, dont il forme, pour ainsi dire, la première série. La Société philomatique, qu’on a nommée le Petit Institut, est, sans contredit, l’une des compagnies savantes les plus sérieuses et les plus actives de la capitale. Assidûment fréquentée par un grand nombre de membres de l’Académie des sciences, elle offre cet avantage aux hommes vraiment instruits, que leurs opinions sont toujours discutées. En effet, on ne s’y borne pas, comme à l’Institut, à une simple lecture longuement méditée, et que les assistans approuvent ou désapprouvent in petto. On démontre, on explique au tableau, comme dans un cours ; les auditeurs ne se contentent pas d’écouter, ils contredisent, et, de notre temps, où l’on mesure trop souvent la valeur des hommes d’après leurs titres officiels, c’est là une excellente épreuve, que recherche la science modeste qui veut se produire par elle-même, et qu’évite avec grand soin le charlatanisme effronté qui ne se produit que par l’intrigue.


VI.

Littéraires, historiques ou scientifiques, la plupart des sociétés que nous venons de nommer, par la nature même de leurs travaux et leurs tendances purement théoriques, restent en quelque sorte circonscrites chacune dans sa spécialité, et leur action ne s’étend guère au-delà du cercle des membres qui les composent ; mais il n’en est pas de même des associations qui s’occupent de la médecine, de l’industrie, de l’agriculture, de la morale publique ou de l’enseignement élémentaire. Celles-là se mêlent d’une façon plus active au mouvement général, Quelques-unes rappellent le vieil esprit des corporations du moyen-âge ; d’autres comme la Société de la morale chrétienne, participent tout à la fois des académies et des associations de bienfaisance.

En comparant les travaux sortis de tant de sources diverses, on reconnaît qu’à aucune autre époque l’homme n’a engagé contre le mal et la nature une lutte plus ardente. Il y a trois siècles, quand le génie des temps modernes posait pour point de départ la méthode expérimentale, les esprits se portaient vers l’étude, entraînés par le seul attrait de savoir et l’ambition des conquêtes intellectuelles dans le domaine de l’inconnu. Le moyen-âge s’était contenté de mots. Bacon demanda des principes et des choses ; aujourd’hui nous demandons des résultats positifs, et c’est surtout vers ce but que les associations dont il nous reste à parler ont dirigé leurs efforts.

En dépit des sarcasmes de Volière, c’est une habitude prise depuis long-temps de placer les médecins au premier rang des bienfaiteurs de l’humanité, et personne ne leur conteste ce beau titre, surtout quand on les juge exclusivement d’après le programme ou les statuts des nombreuses sociétés médicales qui figurent dans l’Annuaire. Dans aucune autre classe, en effet, on n’a jamais déployé pour les intérêts de la science, et même pour ceux de la profession, une activité plus grande, car, sans parler du congrès de 1845, nous trouvons, pour Paris seulement, l’Académie royale de médecine, la Société anatomique ; la Société de