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par la Société royale et centrale, qui fut instituée le 1er mars 1761 « à l’effet de concourir, dans le ressort de la généralité de Paris, aux progrès de l’économie rurale. » Le principal mérite de la société royale, à son origine, fut non pas de faire avancer rapidement la science, mais d’habituer les esprits à comprendre l’importance de la première de toutes les industries, et à en considérer la pratique comme l’une des plus intéressantes applications de l’activité humaine. Il paraîtrait même que le progrès était peu sensible, si l’on en juge d’après cette phrase écrite par le célèbre agriculteur anglais Arthur Young, au sortir de l’une des séances : « Je n’assiste jamais à aucune assemblée de société agricole sans avoir des doutes si ces sortes de sociétés ne font pas plus de mal que de bien, c’est-à-dire si les avantages dont l’agriculture nationale peut, par le plus grand hasard, leur être redevable, ne sont pas plus que contrebalancés par le mal qu’elles occasionnent en tournant l’attention du public vers des objets frivoles, ou en traitant des sujets importans de manière à les faire regarder comme des bagatelles. » C’est en 1788 que Young porta ce jugement qui, tout paradoxal qu’il paraisse, ne laisse pas d’être juste à certains égards. La Société royale comptait cependant alors au nombre de ses membres des hommes tels que Lavoisier, Parmentier, Fourcroy ; mais, ainsi que le fait remarquer Young, un seul parmi les membres résidens de cette assemblée se livrait à la pratique de l’agriculture, et l’on sait que, pour réussir dans cette science, il ne suffit pas d’être agronome, agromane, ou propriétaire, mais bien cultivateur dans la plus stricte acception du mot. La société, du reste, a été la première à reconnaître la justesse de cette remarque, et, à côté de théoriciens éminens, elle a cherché à réunir des hommes experts dans la pratique. Aujourd’hui elle existe comme le centre commun qui rattache entre elles les diverses associations agricoles du royaume, et elle se divise en deux grandes sections : 1° sciences agricoles, 2° sciences appliquées à l’agriculture. De la sorte, elle embrasse, par des classes spéciales, le vaste ensemble de la théorie et de la pratique, la grande culture, les cultures spéciales, l’économie rurale des animaux, la mécanique, la législation et la statistique agricole. Chaque année, elle décerne une vingtaine de prix ; elle a une bibliothèque, des archives, qu’une correspondance active a enrichies d’une foule de documens utiles, une collection de modèles et de machines, et, de plus, elle a publié depuis 1785 jusqu’à nos jours, non compris les instructions adressées aux cultivateurs de la province, une série de mémoires qui forme quatre-vingt-six volumes. La Société d’agriculture a pour annexe la Société d’horticulture, que les expositions et les concours de fleurs ont rendue tout-à-fait populaire.

Nous ne nous arrêterons point aux nombreuses associations industrielles qui se sont formées dans ces dernières années, et qui, pour la plupart, n’étaient point nées viables, parce qu’elles se rapprochaient quelquefois de la commandite, et que les appels aux capitaux paralysaient les appels à la science. Il suffira de citer, parmi celles qui ont eu un côté vraiment utile et sérieux, la Société d’encouragement pour le commerce national, l’Académie de l’industrie, la Société des producteurs et des inventeurs, et la Société d’encouragement pour l’industrie nationale. Cette dernière, fondée en 1802, est, sans contredit, l’une des associations qui ont exercé l’influence la plus directe et la plus active sur le progrès matériel. Par les récompenses nombreuses qu’elle propose, elle s’est associée à la plupart des grandes conquêtes de l’industrie moderne. De 1802