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1778, et d’oublier que les gens qu’il combat sont les fléaux du genre humain. La capture des bâtimens dont il s’est emparé devant Oneille l’a mis en possession d’une malle appartenant à un officier-général de notre armée. Je ne sais quel mouvement de courtoisie, le seul dont il ait été coupable envers nous, le porte à écrire sur-le-champ au ministre de France à Gènes ce petit billet qu’on ne lui eût point pardonné à la cour de Naples.


« Monsieur,

« Des nations généreuses ne doivent causer d’autre tort aux particuliers que celui auquel les obligent les lois bien connues de la guerre. À bord d’un navire que vient de capturer mon escadre, on a trouvé une impériale remplie d’effets appartenant à un officier-général d’artillerie. Je vous envoie ces effets tels qu’on les a trouvés et quelques papiers qui peuvent être utiles à cet officier, et je vous prie d’avoir la bonté de les lui faire parvenir. »


Cependant, bien que Bonaparte, privé de son artillerie, ait été contraint de lever le siége de Mantoue, il n’en poursuit pas moins ses conquêtes. Pour la première fois, la marine anglaise lui fait obstacle : il s’en venge, comme il le fera après Trafalgar, après Saint-Jean-d’Acre, sur les ennemis que l’Angleterre lui suscite. Wurmser est battu comme l’a été Beaulieu. La Sardaigne cède le comté de Nice à la république, et bientôt, suivant l’exemple de la Prusse et de l’Espagne, le gouvernement haineux de Naples demande à traiter avec la France. « Je crains bien, écrit Nelson au vice-roi de la Corse, que l’Angleterre, qui a commencé cette guerre avec l’Europe entière pour alliée, ne la finisse avec presque toute l’Europe pour ennemie. » Déjà, en effet, un traité d’alliance offensive et défensive a uni la Hollande et va unir l’Espagne à la France. Le 19 août 1796, une convention signée à Madrid entre le descendant de Philippe V et le directoire stipule que, dans l’espace de trois mois, celle des deux puissances qui réclamera l’assistance de l’autre en recevra 15 vaisseaux de ligne et 10 grandes frégates ou corvettes avec leurs équipages et leurs approvisionnemens. Ce traité est ratifié à Paris le 12 septembre, et, trois jours après, le gouvernement anglais ordonne la saisie de tous les navires espagnols mouillés dans les ports d’Angleterre. La déclaration de guerre de l’Espagne répond à cet embargo ; et la flotte de l’amiral don Juan de Langara, quittant la rade de Cadix, se dirige immédiatement vers le détroit. Ces deux pavillons, auxquels l’Amérique devait son indépendance et qui avaient si profondément humilié la puissance anglaise, se trouvèrent donc une fois encore réunis. Glorieuse et fatale alliance dont les illusions ne devaient s’évanouir que trop tard !