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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 16.djvu/756

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n’y a qu’un état, et des plus petits, qui ait refusé de reconnaître la monarchie de 1830 : c’est là seulement que le duc de Bordeaux a pu trouver une alliance. Une fraction des légitimistes ne se flattait-elle pas, il y a quelques années, de voir l’empereur de Russie donner sa fille au prétendant ? Il y a loin de pareilles espérances au résultat dont le parti légitimiste affecte de triompher aujourd’hui.

Des dispenses étaient nécessaires à la princesse Thérèse et au duc de Bordeaux, qui est son cousin par la comtesse d’Artois. Le pape ne pouvait les refuser, mais il a voulu que, dans cette affaire, rien n’eût un caractère politique. Ordinairement, dans les dispenses destinées à des princes, il est dit qu’elles sont accordées pour des motifs de bien public ; le pape a fait substituer à cette formule ces mots : « Pour des convenances de famille. » Ces dispenses ne sont pas délivrées, au duc de Bordeaux, mais à Henri de Bourbon, comte de Chambord. On voit avec quel soin Pie IX a voulu ménager toutes les convenances à l’égard du gouvernement français. On assure que, si le duc de Modène eût écouté son penchant, il n’eût pas suivi aveuglément la politique de son père ; mais il a cédé à l’influence de son oncle l’archiduc Maximilien, et le jeune prince est désormais allié à la famille de deux prétendans. C’est l’archiduc Maximilien, connu par son esprit d’hostilité envers la France, qui parait avoir arrêté à Vienne le mariage du duc de Bordeaux, de concert avec M de Montbel. L’affaire a été conduite avec une grande rapidité : le contrat a été signé le 2 novembre ; le 3, le mariage a été décclaré ; le 5 M. de Lévis a fait à la cour de Modène la demande officielle de la main de la princesse Thérèse ; le 7, le mariage a eu lieu, par procuration, et le 11, la princesse Thérèse devait se rendre à Venise pour la cérémonie religieuse. Dans le contrat de mariage, la nouvelle comtesse de Chambord renonce expressément aux principautés de Carrara et de Massa, reversibles sur les archiduchesses de Modène dans le cas d’extinction de la branche masculine. S’il faut en croire quelques lettres d’Italie, la nouvelle comtesse de Chambord aurait plus de distinction d’esprit que de beauté. C’est à Venise que doivent vivre les nouveaux époux ; ils s’y trouveront réunis avec Mme la duchesse de Berry et celui des fils de don Carlos qui va se marier avec la sœur de la princesse Thérèse. Tous ces arrangemens imposent au gouvernement français une vigilance qui, sans être inquiète et tracassière, ne doit pas se laisser prendre en défaut. Il ne faut pas que Venise devienne un centre d’intrigues. Massa est bien voisin de Toulon. En Italie et même en Autriche, tous les esprits sages eussent souhaité que le jeune duc de Modène, qui personnellement n’était engagé dans aucune querelle de parti, reconnût le gouvernement de 1830 : c’est le désir qu’avait même exprimé le ministre d’Autriche à Florence, M. de Neumann, qui est également accrédité près les cours ducales de Lucques et de Modène. C’est maintenant à la prudence de la cour de Vienne d’empêcher qu’il se forme en Italie un nouveau Belgrave-Square que le gouvernement français n’y souffrirait pas.

La politique ne se borne pas à conclure des mariages, elle porte un œil indiscret sur les conséquences. On se rappelle tous les bruits qui coururent il y a deux mois, au moment où fut annoncée l’union de la reine d’Espagne avec le duc de Cadix. C’était une rumeur tout-à-fait calomnieuse. Lord Palmerston, dans sa dépêche du 22 septembre, formait des vœux pour que la reine d’Espagne