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spéciales, et s’occupent exclusivement soit de médecine, soit d’archéologie, soit enfin d’industrie ou de sciences naturelles ; les autres, et c’est le plus grand nombre, sont partagées, comme l’Institut, en sections distinctes, et, elles embrassent de la sorte le vaste ensemble des connaissances humaines. La plupart d’entre elles publient le compte-rendu de leurs séances publiques et de leurs travaux, des bulletins qui sont, suivant les ressources dont elles disposent, trimestriels ou mensuels, des annuaires départementaux ; quelquefois même, comme à Troyes, à Évreux ou à Rochefort, elles font imprimer à leurs frais des ouvrages composés par les membres résidans, et dans le nombre il en est, comme l’académie des Jeux floraux, les académies de Dijon, de Lyon ou de Marseille, qui ont acquis une importance assez grande pour écrire leur propre histoire. Les volumes édités par les académies forment chaque année une collection fort étendue[1], surtout si l’on ajoute aux mémoires et aux bulletins les publications agricoles, et c’est là qu’il faut chercher en quelque sorte le maximum de densité des forces intellectuelles de chaque ville. À Paris, la plupart des société savantes restent en arrière du mouvement ; les membres qui les composent ne prennent à leurs travaux qu’une très faible part. En province, les sociétés se sont placées en tête du progrès, elles le dominent et le dirigent ; elles se recrutent des hommes les plus distingués, les plus influens, de chaque localité, et ces hommes travaillent et produisent. Examinons donc ce qu’elles ont fait, vers quel but ont tendu leurs efforts, quelles ont été sur les différens points du royaume leurs préoccupations les plus vives. Tout en les suivant dans le détail de leurs travaux, nous citerons ceux de leurs membres qui ont le plus efficacement contribué à propager le goût des études sérieuses, et nous ne tarderons pas à reconnaître que ce n’est point sans raisons que la province accuse Paris d’être à l’excès indifférent, injuste même envers elle.


II.

Ce qui frappe au premier abord quand on compare le nord et le midi de la France, c’est la prédominance littéraire du midi, la vivacité de l’instinct poétique des hommes de la langue d’oc, la persistance des patois dans les littératures locales. La Provence, le Roussillon, le Languedoc, la Gascogne, ont leurs poètes qui chantent en bers gscouns ou en vers prouvençaou, comme au temps des cours d’amour. Les poésies patoises y trônent entourées d’hommages sur les fauteuils académiques, et la vanité méridionale oppose avec orgueil les chants

  1. Il serait difficile de dresser une bibliographie exacte des mémoires, bulletins et comptes-rendus des sociétés savantes de la province. Malgré l’appel fait aux diverses académies par M. le ministre de l’instruction publique, la liste des publications est très incomplète dans l’Annuaire, les renseignemens n’ayant point été fournis en temps utile. Les volumes publiés par les diverses académies de province depuis la fin du siècle dernier, sans compter les recueils édités par les comices agricoles, s’élèvent à 1,500 environ, formant pour chaque ville des collections qui se suivent avec une tomaison régulière, et il faut y ajouter encore au moins 2,000 brochures, comptes-rendus et bulletins détachés. M. Achille Comte en dirige en ce moment le dépouillement général, et nous ne doutons pas de l’intérêt et de l’importance de ce travail.