nestoriens attire sur eux, comme en 1843, les horribles massacres des Kurdes, et les évêques fanatiques qui les provoquent vont, dit-on, prendre leurs leçons à Tiflis. Si la France ne peut atteindre jusque-là, elle pourrait du moins se créer au midi du Danube une autorité pacifique et morale dont on ne sait pas assez le prix. C’est encore là une ligne à disputer.
Est-ce à dire que cette agression presque générale des diplomaties doive dégénérer en une rupture belligérante ? Que la destruction de la république polonaise soit le signal d’une intention arrêtée de lutte et de combat ? Nous ne le croyons pas. L’occident de l’Europe a bien des raisons d’appréhender un terme à cette paix dont il jouit depuis trente ans ; mais, il est bon de le dire, les puissances de l’Europe orientale auraient plus de peine encore à la rompre : il s’en faut qu’elles soient plus prêtes que nous.
Est-il d’abord un homme d’état en Autriche qui puisse attendre sans effroi « ce premier coup de canon dont le seul bruit ferait peut-être aussitôt crouler la monarchie ? » Quand l’empereur François, vaincu en 1805 et en 1809, signait les traités de Presbourg et de Vienne, il n’avait pas eu cependant à lutter contre l’effervescence intérieure des populations sujettes ; les sentimens nationaux ne s’étaient éveillés nulle part avec cette âpreté qui les caractérise »aujourd’hui. Comment tenir à la fois la main sur les Slaves et sur les Hongrois, sur les Bohêmes et sur les Italiens ? La noblesse, qui eût pu servir d’appui, manque maintenant plus que jamais ; la noblesse madgyare garde, il est vrai, une véritable énergie, mais elle remploie dans une guerre ouverte contre la chancellerie autrichienne ; la noblesse gallicienne est exterminée ; reste la noblesse allemande, mais celle-ci n’a ni position comme corps ni influence comme association morale. Elle paraît à peine dans ces états provinciaux qui ne durent qu’un jour, qui ne comportent point d’opposition, qui ne reçoivent pour ainsi dire pas de députés de la bourgeoisie. La bureaucratie n’a pas cessé d’être un élément de stabilité pour la monarchie ; mais ce réseau trop lourd écrase la vie publique au lieu de la contenir. Enfin, l’armée, si nombreuse qu’elle soit, si distinguée même qu’on la dise dans le service des armes savantes, l’armée, dirigée d’en haut par des bureaucrates, peuplée de soldats sans goût pour leur métier, ne sera jamais l’armée d’un état militaire. Cette infériorité aurait même vivement frappé les esprits pendant l’insurrection galicienne, et l’on attribuerait au ressentiment d’un si singulier échec le dernier arrêt qui a frappé Cracovie.
Quant à la Prusse, la force dont elle dispose est, avant tout une force morale. Qu’elle ait à représenter sur un champ de bataille l’intérêt, le droit national de l’Allemagne, elle aura derrière elle des milliers de citoyens armés ; qu’elle veuille entraîner ses milices à la défense de la politique russe, elle court les plus grands périls que jamais gouvernement ait bravés. « Milord, disait le roi Frédéric-Guillaume à lord Aberdeen au moment où celui-ci prenait congé de lui, je vous recommande le peuple allemand. » C’était une des façons de parler du monarque prussien, mais c’était aussi l’expression de cette anxiété véritable que lui cause le voisinage de la Russie. Malheureusement les questions commerciales empêchent un rapprochement bien intime avec l’Angleterre ; on se défie du mauvais esprit de la France, et Frédéric-Guillaume a dans sa famille des partisans dévoués de la Russie. Voilà bien des raisons d’incertitude pour un esprit déjà naturellement mobile, et cependant il serait nécessaire d’aviser. Si quelque