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de grand-maître de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, et l’escadre qui, sous les ordres de l’amiral Ouschakoff, manœuvrait à l’entrée de l’Adriatique, n’attendait que la chute de Corfou pour se porter sur les côtes de Sicile. Nelson, qui trouvait, à son grand scandale, les Russes moins dociles à ses insinuations que les Portugais, les eût mieux, aimés en ce moments les côtes d’Égypte. « Ces gens-là, écrivait-il dans son dépit, me semblent plus occupés de s’assurer des ports dans la Méditerranée que de détruire l’armée de Bonaparte. Si jamais ils s’établissent à Corfou, la Porte aura là une fâcheuse épine dans le pied. Comment le bon Turc ne soupçonne-t-il pas ce danger ? » Il fallut bien cependant qu’il se résignât à souffrir les Russes dans les îles Ioniennes, où ils restèrent jusqu’en 1807, mais il se promit bien de leur interdire l’accès de Malte.

Quand l’empereur Charles-Quint avait cédé à perpétuité le gouvernement des îles de Goze et de. Malte aux chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, il avait stipulé, comme condition de cette concession, que le jour où, par un motif quelconque, l’ordre viendrait à abandonner ces îles, Goze et Malte feraient retour à la couronne des rois de Sicile, leurs anciens seigneurs suzerains. Lord Nelson et sir William Hamilton évoquèrent cet ancien titre, que Ferdinand IV semblait peu empressé de faire valoir, et proclamèrent le roi de Naples souverain légitime des îles occupées par l’armée française. Les Maltais, qui de tout temps avaient détesté le pouvoir tyrannique des chevaliers, acceptèrent sans difficulté cette combinaison, et, par l’organe de leurs députés, reconnurent la suzeraineté de Ferdinand IV.


« Le roi de Naples, écrivait Nelson au capitaine Ball le 21 janvier et le 28 février 1799, est le légitime souverain de Malte, et je suis d’avis que son pavillon soit arboré sur tous les points de l’île ; mais il est certain qu’une garnison napolitaine livrerait la place au premier qui voudrait l’acheter Il est donc nécessaire que l’île soit placée sous la protection spéciale de sa majesté britannique pendant la durée de cette guerre. C’est pourquoi le roi de Naples a voulu que, partout où son pavillon serait arboré, le pavillon anglais fût arboré à la droite du sien, pour bien marquer la protection dont nous le couvrons… Je suis sûr que le gouvernement napolitain ne ferait aucune difficulté de céder la souveraineté de cette île a l’Angleterre, et j’ai dernièrement, de concert avec sir William, réclamé de sa majesté l’engagement secret de ne jamais céder Malte à aucune puissance sans le consentement du cabinet britannique… Le bruit a couru ici qu’un bâtiment russe chargé de proclamations adressées aux Maltais était allé vous rendre visite. Je hais les Russes, et si ce bâtiment a été expédié par l’amiral qui commande à Corfou, cet amiral est un polisson (a black-guard)… Vous ne devez souffrir sur l’île d’autre pavillon que le pavillon napolitain et le pavillon anglais. Dans le cas où quelque parti voudrait arborer le pavillon russe, ni le roi ni moi, nous ne permettrions que les Maltais tirassent à l’avenir du blé de la Sicile ou de tout autre endroit. »