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espagnols mouillés à Carthagène, l’escadre que Nelson avait mise au service du roi des Deux-Siciles. Malgré les ordres réitérés de lord Keith, Nelson ne voulut point abandonner les côtes d’Italie avant d’avoir rangé sous l’obéissance du souverain qui venait de le créer duc de Bronte la totalité de son royaume. Quoique Minorque n’eût point été attaquée, l’obstination de Nelson à résister aux injonctions de l’amiral Keith fut vivement blâmée par l’amirauté. Personne n’ignorait d’ailleurs, en Angleterre, à quel point l’illustre amiral était subjugué par la cour de Naples. Les journaux en murmuraient, et ses amis en concevaient de justes alarmes.

Dès que Gaète et Capoue eurent capitulé, Nelson, inquiet des conséquences de sa résolution, s’empressa d’expédier la plus grande partie de ses forces à Mahon et revint à Palerme avec le roi de Naples. Déjà les généraux Schipani et Spanò, pris les armes à la mam, avaient été immolés au stérile besoin de vengeance qui présidait à cette fatale restauration. Le général Massa, qui avait rédigé la capitulation, Eléonore Pimentel, cette femme héroïque, ce grand rebelle, comme l’appelait Nelson, les avaient suivis auIl gibet. Ettore Caraffa, Gabriel Manthonè, Dominique Cirillo, dont la reine elle-même implora vainement la grace à genoux, la marquise de San-Felice, que l’intercession de la princesse Marie-Clémentine, mariée à l’héritier du trône, ne put parvenir à sauver, tant d’autres victimes non moins illustres et non moins regrettables ne marchèrent au supplice qu’après le départ du roi. Les agens que Ferdinand IV avait investis de son autorité ne vengèrent que trop bien alors ses droits un instant méconnus. En quelques mois, leur zèle mercenaire eut fait couler plus de sang et de larmes que n’en avait coûté la guerre civile. Sourd à toute prière, Ferdinand confirmait ces horribles sentences. « Le roi est dans le fond un excellent homme, écrivait Nelson ; mais il est difficile de le faire changer d’opinion. Pour quelque cause que je ne comprends pas, l’acte d’amnistie, signé depuis près de trois mois, n’a pas encore été promulgué… On ne peut cependant couper la tête à tout un royaume, quand bien même ce royaume ne sera composé que de coquins » Ces violences judiciaires prirent de telles proportions, que le capitaine Troubridge, ce héros bourru que Nelson avait laissé à Naples avec le Culloden, et qui n’avait pas, comme il le disait lui-même, le cœur plus tendre qu’un autre, s’émut enfin de ces atrocités et commença à craindre qu’on ne poussât trop loin la réaction. « Aujourd’hui, écrivait-il à Nelson le 20 août 1799, onze des principaux jacobins, princes, ducs, représentans du peuple, ont été exécutés. Des femmes ont partagé leur sort. J’espère sincèrement qu’ils en finiront bientôt sur une grande échelle, et qu’ils proclameront alors une amnistie générale, car la mort n’est rien auprès de leurs prisons. »

Malgré les pleins pouvoirs qu’elle avait reçus de Ferdinand IV, la