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maximes l’autorité d’un passé long temps prospère et souvent glorieux.

Malgré ces considérations, énergiquement soutenues par les cantons primitifs, la nécessité d’une révision du pacte avait tellement gagné les esprits, que la diète en décréta le principe, en juillet 1838, à la majorité de seize voix contre cinq ; mais, quand la commission nommée pour élaborer le projet d’une constitution réformée déposa son rapport, dans une diète extraordinaire convoquée à Lucerne vers la fin de cette même année, les oppositions diverses, qui avaient eu le temps de se reconnaître et de se concerter, éclatèrent avec un accord devant lequel s’évanouit bientôt tout espoir d’une solution pacifique[1].

Le projet, qui fut écarté définitivement, malgré les modifications essentielles auxquelles on s’était prêté en 1833, consacrait, mais avec des ménagemens marqués pour les petits cantons, le principe en vertu duquel la représentation dans la diète devait être proportionnée à l’importance des différens états. Lucerne était choisie pour ville fédérale permanente ; un directoire de cinq magistrats, nommés par la diète, et renouvelés l’un après l’autre par ce même corps, avait le soin des affaires générales de la confédération. La formation d’un trésor national et l’entretien d’un corps de troupes fédérales, toujours à la disposition du directoire, auraient complété la transformation de la Suisse en une république analogue, sous quelques points de vue, à celle des États-Unis d’Amérique ; la différence capitale aurait consisté dans l’absence d’un second corps législatif, correspondant au sénat, qui siége à Washington. On sait que, dans l’Union américaine, l’institution du sénat protège efficacement l’autonomie des états les plus faibles, les moins riches, les moins entreprenans, représentés dans ce corps aussi largement que les républiques les plus puissantes. Rien de cela n’aurait existé en Suisse, et cette considération détermina la majorité des états à rejeter le nouveau projet.

Le principal auteur de ce plan remarquable était un jurisconsulte éminent, que les événemens politiques avaient, dix-huit ans auparavant, engagé à quitter l’Italie, et que l’estime éclairée de la France devait bientôt enlever à la Suisse. Au reste, l’état de Genève, jaloux autant qu’aucun autre de son indépendance intérieure, et dont la capitale

  1. Cette opposition au changement du pacte fédéral fut organisée par la ligue de Sarnen, qui avait pour but avoué le maintien de tout ce qui restait en Suisse des anciennes institutions politiques après les révolutions cantonales de 1830 à 1832. C’est à Sarnen, chef-lieu du demi-canton d’Obwalden, que se tenaient les conseils de cette confédération purement défensive, où Schwytz, Uri, Unterwalden, Bâle-Ville, Neufchâtel, se trouvaient ordinairement représentés. Elle finit par se dissoudre, mais après avoir atteint son but principal, car elle avait empêché la modification du pacte et l’annulation politique des petits cantons.