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Fox, dénoncé sans cesse par ses adversaires comme partisan de la France, ait évité de fournir de nouveaux prétextes à cette accusation en se montrant souvent à Saint-Cloud, et surtout en acceptant avec le premier consul des entretiens particuliers. L’expérience a prouvé qu’à cet égard, il n’avait pas même pris assez de précautions contre la malveillance des partis, toujours si peu scrupuleux dans le choix de leurs moyens d attaque.

Napoléon se faisait-il illusion sur les véritables sentimens de Fox ? Mal informé comme il l’était généralement des choses d’Angleterre et enclin à croire facilement tout ce qui flattait ses désirs, partageait-il, ainsi que le suppose sir Robert Adair, l’erreur alors si répandue sur le gallicanisme du grand orateur ? ou bien, en affectant de partager cette erreur, avait-il pour but d’accréditer un bruit favorable à ses vues et qui augmenterait sa force morale ? Pour trouver la vérité, il faut, à mon avis, se placer entre ces deux hypothèses. Lorsque le premier consul, devenu empereur, vit la direction des affaires passer, après la mort de Pitt, entre les mains de Fox, il n’espéra pas précisément sans doute que ce dernier accepterait toutes ses propositions ; mais il put compter un peu trop sur le désir que Fox devait avoir et qu’il avait en effet de signaler son avènement par une paix qui, conclue à des conditions honorables, eût été le digne couronnement de sa politique.

Les circonstances semblaient alors, jusqu’à un certain point, avoir aplani les voies à un arrangement pacifique. La bataille d’Austerlitz venait de livrer le continent à Napoléon, de mettre momentanément à ses pieds les puissances qui naguère défendaient contre lui l’indépendance de l’Europe, et l’Angleterre, hors d’état de soutenir à elle seule ceux qui paraissaient s’abandonner eux-mêmes, pouvait désormais, sans manquer à aucun engagement, ne plus se préoccuper que de ses propres intérêts. Par une sorte de compensation, la bataille de Trafalgar avait, pour ainsi dire, terminé la guerre maritime, la France étant désormais hors d’état de tenir tête aux Anglais, soit sur l’Océan, soit sur la Méditerranée. C’est dans ces conjonctures que s’ouvrirent des négociations dont l’initiative formelle fut prise par le cabinet des Tuileries, mais qu’une démarche loyale et généreuse de Fox avait évidemment provoquées, quoi qu’en dise sir Robert Adair, qui, à mon avis, a tort de vouloir l’en défendre, alors qu’il eût dû lui en faire un mérite.

Je n’entrerai pas dans le détail si connu de ces négociations. On sait que, parmi les motifs qui les firent échouer, le principal, ou du moins le plus apparent, fut la prétention assez singulière de Napoléon, qui exigeait du roi des Deux-Siciles non-seulement la cession de Naples, déjà occupé par les Français, ce qui ne faisait pas difficulté, mais encore celle de la Sicile, que les forces navales de l’Angleterre avaient mise à l’abri de leurs attaques. Sir Robert Adair, réfutant longuement