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semblables entre eux d’autant plus long-temps, qu’il devra exister entre leurs deux espèces des affinités plus grandes. Tous deux, si l’on peut s’exprimer ainsi, suivent d’abord une route commune ; mais, arrivés à un carrefour, chacun prend de son côté, et désormais, engagés dans des voies divergentes, ils ne doivent plus se rencontrer.

Si ces faits sont exacts, si les conséquences que nous venons d’en tirer sont justes, les animaux appartenant à un même groupe fondamental, à un même embranchement, seront semblables pendant une certaine période de leur vie embryonnaire ; ils se différencieront plus tard les uns des autres ; mais à aucune époque ils ne pourront revêtir les caractères essentiels d’un autre embranchement. L’articulé, par exemple, ne pourra jamais être assimilé au mollusque, pas plus que le vertébré au radiaire. L’immense majorité des faits constatés jusqu’à ce jour justifiait pleinement cette conclusion. Toutefois M. Löven, naturaliste du plus grand mérite, avait décrit, comme appartenant à une famille des annélides, aux néréidiens, une larve qui présentait, selon lui, des métamorphoses fort singulières. Les néréides sont des annelés, et cependant cette larve aurait, à une certaine époque, possédé des caractères propres aux polypes, animaux qui font partie de l’embranchement des rayonnés. Entre ces faits et la théorie il y avait désaccord complet. Bien d’autres, à la place de M. Edwards, eussent peut-être traité avec dédain une objection empruntée à un petit ver dont le rôle, à la surface du globe, ne peut être d’une grande importance ; mais, familiarisé avec l’étude de ces êtres inférieurs que quelques savans affectent de mépriser parce qu’ils ne les connaissent pas, ce naturaliste ne pouvait agir ainsi, et, dès les premiers jours de notre arrivée en Sicile, l’embryogénie des annélides l’avait vivement préoccupé. Hâtons-nous de le dire, dès le début de ces recherches, les faits les plus clairs vinrent confirmer en tous points sa manière de voir, et l’exception apparente signalée par M. Löven disparut devant une étude plus approfondie que n’avait pu l’être celle du savant suédois. M. Edwards constata en même temps que les annélides, pour atteindre leur forme définitive, ont à subir des métamorphoses aussi complètes que celles de la chenille se transformant en papillon.

Prenons pour exemple une de ces espèces sédentaires qui, par leur taille et leurs caractères nettement tranchés, se prêtent admirablement aux observations ; suivons, dans toutes les phases de son existence, cette grande térébelle nébuleuse dont le corps, d’un brun moucheté de rouge et de blanc, a quelquefois de six à sept pouces de long. Sur les côtés sont disposés de petits mamelons aplatis, portant en haut un faisceau de soies simples légèrement recourbées, en bas une rangée de soies en crochet, dont la forme rappelle celle du chien d’une batterie de fusil. Sur le dos, près de la tête, s’élèvent par paires six branchies ramifiées qui, sans cesse agitées par le sang, présentent alternativement des teintes