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pour faire parcourir à ce fluide le cercle circulatoire lui est communiquée par les gros troncs vasculaires. Ce sang même ressemble à celui des mollusques. La colonne vertébrale est représentée par une tige cartilagineuse entièrement composée de cellules et étendue de la tête à la queue. Le cerveau, que ne protège pas la plus légère apparence de crâne, ne se distingue de la moelle épinière que par la nature des nerfs qui en partent. L’œil est entièrement renfermé dans l’intérieur des tissus ; mais, grace à la transparence parfaite de ces derniers, il n’en remplit pas moins, selon toute probabilité, ses fonctions d’organe de la vision. Cette diaphanéité de l’amphioxus a permis en outre de s’assurer qu’il possède une bouche de mollusque plutôt que de poisson, un appareil circulatoire, un mode de digestion qui rappellent ce qui existe chez les annélides, etc.

L’étude attentive de l’amphioxus conduit à des conséquences d’une haute importance pour la zoologie et la physiologie. Confirmant en cela les résultats embryologiques dont nous avons parlé plus haut, elle nous montre dans la dégradation d’un animal un état permanent qui rappelle à certains égards l’état transitoire des animaux plus parfaits appartenant au même type. En effet, pendant les premières périodes de son développement, l’embryon d’un poisson ordinaire, d’un saumon, par exemple, possède des particularités d’organisation qui rappellent ce qu’on observe chez l’amphioxus ; mais, tandis que chez ce dernier ces particularités persistent pendant la vie entière, chez le jeune saumon elles s’effacent bientôt pour faire place à d’autres caractères définitifs. L’embryogénie des annélides nous a montré des faits tout semblables. Dans les premiers temps de son existence, la larve des térébelles ressemblait presque à une némerte. Ainsi, les résultats fournis par l’anatomie et l’embryogénie chez les poissons et chez les annélides concordent pleinement malgré la distance considérable qui sépare ces deux groupes.

Par le fait même de la dégradation, l’amphioxus s’éloigne des vertébrés pour se rapprocher des embranchemens inférieurs ; toutefois les affinités nouvelles qui se montrent ainsi ne le rattachent pas aux chefs de file de ces embranchemens. L’amphioxus ne rappelle, par sa structure organique, ni les céphalopodes, ni les insectes ou les crustacés, mais bien plutôt les mollusques acéphales, les huîtres par exemple et les annélides, c’est-à-dire des représentans déjà très inférieurs du type mollusque ou annelé. Ici encore nous trouvons un accord manifeste entre les résultats fournis par l’anatomie et ceux que donne l’embryogénie. En effet, les germes se ressemblent tous dans la première période de leur évolution. Ils se différencient successivement à mesure que le travail génétique avance, et par conséquent les êtres qui en émanent