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l’opposition comprend sans doute aujourd’hui que cette facilité à oublier ses principes pour se mettre en quête d’un succès qu’elle n’obtient jamais, cette obligation où elle est d’accepter la direction d’un chef qui professe si peu de goût pour les idées qui doivent lui être les plus chères, n’ajoutent pas à son autorité et n’augmentent pas dans l’avenir ses chances de succès. On se demande ce qui va se passer dans ses rangs quand surgiront de nouveau les questions que je viens d’indiquer rapidement. Les soldats continueront-ils à suivre leur capitaine, pour n’être pas, au jour de la bataille, privés de son précieux commandement, ou bien l’armée se débandera-t-elle, quitte à se reformer plus tard et pour de meilleures occasions ? Nous le saurons bientôt ; il suffit de constater, quant à présent, que des assaillans ainsi organisés ont rarement engagé des combats sans les perdre. Aussi suppose-t-on assez généralement qu’il n’y aura même pas cette année de vrais combats. C’est assez notre opinion, et nous n’en douterions pas s’il était vrai, comme on l’assurait au moment de la séparation des chambres, que le cabinet dût apporter, au début de la prochaine session, quelques-uns des projets de réformes dont il avait eu jusqu’à présent le tort de laisser à d’autres l’initiative. Dans ce cas, les questions de politique intérieure seront fort effacées, et nos affaires extérieures auront, comme à l’ordinaire, le privilège de fixer à peu près exclusivement l’attention publique.

La nouvelle des mariages simultanés des princesses espagnoles avait causé un certain étonnement en France, le bruit du refroidissement avec l’Angleterre y avait répandu une première alarme, lorsque l’audacieuse spoliation de la ville libre de Cracovie, par trois des puissances du Nord, est venue mettre le comble à l’émotion universelle. Chacun a compris la portée de ces événemens si considérables en eux-mêmes, et rendus plus graves encore par leur rapprochement. Le brusque et profond changement qu’ils apportent à notre situation en Europe n’a échappé à personne. Depuis 1830, non point par aucune faiblesse de cœur, ni par ignorance de notre force, mais par suite d’une juste appréciation de nos véritables intérêts, nous nous étions interdit de nous jeter seuls, et pour notre propre compte, dans aucune grande entreprise diplomatique. Cependant une alliance de famille avec la maison royale qui règne de l’autre côté des Pyrénées nous reporte soudainement en plein siècle de Louis XIV et met au nombre des contingens possibles la réapparition d’un petit-fils de France sur le trône d’Espagne. Parmi les grandes puissances de l’Europe, une seule avait montré quelque sympathie pour la révolution qui a fondé notre gouvernement de 1830, une seule ne combattait pas au dehors notre influence libérale et nos tendances démocratiques ; nous avions cultivé avec soin son amitié, nous comptions qu’à un jour donné, si quelque complication venait