certain qu’il a combattu le système féodal avec énergie, qu’il s’est montré généreux envers les écoles ; mais la forme sous laquelle M. Ponsard a présenté ces idées semble empruntée à l’Essai sur les Mœurs. Six siècles plus tard, ces tirades eussent été à leur place ; prononcées par Philippe-Auguste, elles ne peuvent qu’amener le sourire sur les lèvres. L’amant d’Agnès, tel que nous le montre M. Ponsard, est un disciple de Voltaire. Le public, en applaudissant avec frénésie tous les morceaux où le poète célèbre l’unité politique de la France, semblait ignorer que l’autorité royale, au temps de Philippe-Auguste, n’embrassait guère plus de cinq départemens de la France d’aujourd’hui. Quant à la séparation des pouvoirs spirituel et temporel, bien que Philippe, dans un accès de colère contre Innocent III, ait parlé de se faire mécréant, il y a loin, on en conviendra, de cette boutade passagère aux dissertations ex professo que M. Ponsard a placées dans la bouche du roi. Les encouragemens accordés aux écoles par le roi de France n’ont jamais eu non plus le sens que leur prête le poète. Pour être juste envers M. Ponsard, la critique doit donc déclarer franchement qu’il a été applaudi pour ses fautes, tandis que les parties les plus vraies de sa composition ont été accueillies avec indifférence.
Le côté le plus recommandable de la tragédie nouvelle est assurément le style. Le poète manie le vers avec une liberté, une souplesse que j’aurais mauvaise grace à nier, et pourtant le style d’Agnès de Méranie manque d’unité. Il y a dans la manière de M. Ponsard trois élémens qui ne peuvent s’accorder entre eux : la périphrase, le ton familier, puis un ton intermédiaire que je renonce à baptiser. Par la périphrase, l’auteur d’Agnès se rattacherait à l’école impériale : j’emploie à dessein la forme conditionnelle, pour ne pas donner à ma pensée le sens d’une accusation. Par le ton familier, il voudrait se rapprocher de Corneille, et quelquefois, je le reconnais avec plaisir, il a rencontré la grandeur. Quant au ton intermédiaire, je ne sais vraiment de quel nom l’appeler ; c’est quelque chose qui n’est ni la périphrase, ni le ton familier, mais qu’il serait difficile de caractériser : c’est un à peu près perpétuel, sans valeur littéraire, sans précision, sans clarté, qui fatigue l’attention sans jamais émouvoir le cœur ou élever la pensée. Par la réunion, ou plutôt par la juxtaposition de ces trois élémens, M. Ponsard s’est fait un style qui n’a certainement pas une véritable originalité, mais qui, par momens, charme l’oreille et peut faire illusion aux esprits inexpérimentés. Trop souvent le ton familier descend jusqu’au ton trivial et fait tache dans la période ; l’oreille est alors blessée comme si elle entendait une note fausse. C’est ce qui arrive nécessairement toutes les fois que le style manque d’unité. Or, telle est la condition dans laquelle se trouve M. Ponsard. Son style, à proprement parler, n’a rien de personnel ; il ne relève pas seulement de Corneille