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l’Égypte, semblaient y appeler à l’envi toutes les flottes françaises, et l’homme qui possédait la confiance du premier consul, Latouche-Tréville, commandait à Toulon. Son escadre ne se composait que de 7 vaisseaux de ligne ; mais 2 vaisseaux étaient en réparation dans l’arsenal, et 3 autres allaient bientôt descendre des chantiers.

Le 8 juillet 1803, Nelson, dont le pavillon flottait alors à bord du Victory, ralliait à la hauteur du cap Sicié l’escadre qui, sous les ordres du contre-amiral Bickerton, l’avait devancé dans la Méditerranée. Pendant quatre mois, il ne quitta point cette rude croisière ; la rigueur de l’hiver et le besoin de renouveler sa provision d’eau l’obligèrent enfin à chercher un port de relâche. Il ne voulait pas entendre parler de Malte. « Mieux vaudrait être à Spithead, disait-il ; je m’y trouverais plus à portée de Toulon. » Son opinion était tellement prononcée à cet égard, que ceux de ses vaisseaux qui avaient besoin de quelques réparations prenaient le chemin de Gibraltar de préférence à celui de Malte. « Un bon vent d’ouest, écrivait-il à l’amirauté, me les ramènera en quelques jours ; si je les envoyais à Malte, je ne sais plus quand je les reverrais. » Il avait songé à conduire la flotte anglaise dans un des ports de la Sardaigne ; mais celui d’Oristano ne lui paraissait point assez sûr, et celui de San-Pietro lui semblait trop éloigné. Le capitaine de l’Agincourt avait reconnu dans les bouches de Bonifacio, à l’abri des îles de la Madeleine, une vaste baie qu’il déclarait propre à recevoir une escadre. Nelson résolut d’y faire entrer la sienne, et le 31 octobre, après avoir lutté pendant plusieurs jours contre les vents d’est, il vint jeter l’ancre sur la rade qui porte encore le nom du vaisseau l’Agincourt. De là, en échelonnant ses frégates jusqu’à Toulon, il ne perdait point de vue la flotte française, et se trouvait tout prêt à s’élancer à sa poursuite, quelle que fût la direction qu’elle eût prise en sortant du port. Il sentait cependant combien la possession de cette excellente station devenait précaire, si les Français songeaient à s’en emparer. Le détroit de Bonifacio, si facile à franchir et si difficile à surveiller, lui semblait une faible défense pour les îles de la Madeleine. La neutralité de la Sardaigne, alors placée sous la puissante garantie de la Russie, ne le rassurait guère davantage, et il n’eût voulu placer sa confiance que dans un détachement de troupes anglaises maître de cette position importante.


« Sa majesté (écrivait-il au ministre anglais près la cour de Sardaigne) ne voudrait-elle pas consentir à recevoir deux ou trois cents soldats anglais dans l’iîl de la Madeleine ? Ce serait le moyen le plus sûr de s’opposer à une invasion du côté de la Corse. » « La Sardaigne (répétait-il sans cesse) est la plus importante position de la Méditerranée, et le port de la Madeleine le plus important des ports de la Sardaigne. Il y a là une rade qui vaut celle de Trinquemalé et qui n’est pas à vingt-quatre heures de Toulon. Ainsi, la Sardaigne, qui couvre Naples, la Sicile, Malte, l’Égypte et tous les états du sultan, la Sardaigne bloque