Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/284

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tâcher de faire comprendre qu’on peut, dès à présent, sans aucun danger pour la production et au grand avantage du pays, supprimer entièrement toute espèce de droits d’importation sur les houilles et réduire de moitié les droits sur les fers.

Rien de plus simple que la question des houilles ; elle présente si peu de difficultés réelles, qu’aux yeux mêmes d’un prohibitioniste, pour peu qu’il voulût examiner l’état des choses, elle donnerait à peine matière à discussion. Pour la poser d’abord dans ses termes généraux, nous ne pouvons mieux faire que de rappeler les paroles prononcées, il y a dix ans, par un des plus ardens promoteurs du système restrictif. « La question des houilles, disait M. de Saint-Cricq en 1836, est chez nous, quant à présent, exceptionnelle. C’est moins une question de tarif qu’une question de transport. Nous sommes riches en mines de houille ; l’extraction n’en est pas généralement beaucoup plus chère qu’ailleurs : c’est l’insuffisance de nos voies de navigation qui en élève le prix aux lieux de consommation, à ce point qu’un hectolitre, valant sur telle fosse de 60 à 80 centimes, revient, dans tel port où il va se consommer, de 3 à 4 francs[1]. » Nous ne croyons pas, avec M. de Saint-Cricq, que la France soit précisément riche en mines de houille, ou du moins, si elle en possède un grand nombre, il en est peu dans ce nombre qui soient réellement fécondes : toutes ensemble, elles sont loin de suffire à la consommation du pays ; mais ce qui est vrai, c’est que, dans ces mines, quelles qu’elles soient, l’extraction n’est pas généralement plus chère qu’ailleurs. C’en est assez pour conclure tout d’abord qu’il n’y a aucune raison de protéger les extracteurs contre la concurrence étrangère, puisque, leurs conditions de travail n’étant pas différentes de ce qu’elles sont pour leurs rivaux, ils sont parfaitement en état de la braver. Disons, en outre, avec M. de Saint-Cricq, que, la houille étant une matière très encombrante et très lourde, le transport en élève considérablement le prix, et, quand même nos voies de communication seraient en meilleur état qu’elles ne le sont encore, cette aggravation de prix qui résulte des frais de transport serait toujours sensible. C’est une nouvelle et bien puissante raison pour que nos exploitans n’aient rien à craindre, puisque les houilles étrangères ne peuvent venir jusqu’à eux que chargées de frais plus ou moins considérables. Tout ce que la concurrence peut faire à leur égard, c’est de les forcer, dans une certaine mesure, à modérer leurs prix, sans que, dans aucun cas, elle puisse mettre leur industrie en péril. La protection est donc ici tout au moins superflue. Si, après avoir prononcé les paroles qu’on vient de lire, M. de Saint-Cricq n’en a pas moins conclu à l’adoption d’un régime encore plus sévère que celui

  1. Discours prononcé à la chambre des pairs dans la session de 1836.