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entrepris que depuis peu de temps et ne sont pas encore achevés. Comment qualifier une telle conduite ? Qui pourrait dire tout ce qu’elle a amassé de souffrances sur le pays ? Il semble d’ailleurs que nous ne soyons pas devenus beaucoup plus raisonnables et que le temps ne nous ait pas encore assez instruits. Pendant qu’à l’est nous nous décidons enfin, un peu tard, à construire à grands frais un chemin de fer et une ligne navigable, pour rendre, à ce qu’il semble, l’accès du pays plus facile aux houilles étrangères, à l’ouest, où la mer s’offre d’elle-même à nous les apporter, nous continuons à les repousser par les rigueurs de nos tarifs, annulant ainsi, comme à plaisir, le bienfait de cette grande voie naturelle dont le ciel nous avait gratifiés.

Quelles que soient les considérations qui aient pu dicter autrefois toutes ces dispositions inconséquentes et funestes, répétons-le, elles ne se justifient plus aujourd’hui par aucun motif même spécieux. Veut-on, au moyen du droit de 10 centimes prélevé sur la frontière de l’est, protéger les houillères de ces contrées ? Il n’en existe point. Au moyen du droit de 50 centimes prélevé dans les ports de l’ouest, prétendrait-on réserver aux extracteurs indigènes l’approvisionnement de cette côte ? Mais ils sont loin, bien loin de pouvoir y suffire, et d’ailleurs leurs exploitations sont situées à une assez grande distance du rivage de la mer pour que la concurrence étrangère ne les atteigne pas directement. Quant aux houillères du bassin de Valenciennes, les seules que cette concurrence menace, on a vu combien peu elles doivent la redouter. Qu’on ne pense pas d’ailleurs que des droits de 10, de 15 ou de 50 cent. par quintal métrique de houille soient insignifians ; le dommage qu’ils causent est trop réel et bien facile à constater. On peut en juger rien que par les heureuses conséquences de la réduction partielle effectuée en 1834-36[1]. Il faut donc se hâter de revenir sur ces restrictions malfaisantes que rien n’explique. Sans s’arrêter d’ailleurs à les réformer, à les corriger ou à les amender, comme on l’a fait en 1836, on n’a plus aujourd’hui qu’un parti sage à prendre : c’est de les faire disparaître entièrement de nos tarifs.

Lorsque de telles lois, établies, il faut bien le reconnaître, dans un moment d’entraînement fatal, exercent durant un certain temps leur fâcheuse influence sur un pays, il est rare qu’elles n’y engendrent pas une complication d’intérêts nouveaux, exceptionnels, créés, s’il est permis de le dire, à leur image, et qui viennent ensuite faire obstacle aux réformes que le retour du bon sens fait entreprendre. C’est ce qui était effectivement arrivé sous l’empire de la loi primitive antérieure à 1836, et c’est peut-être pour cette raison qu’on n’osa pas, à cette dernière

  1. La loi est bien, comme nous venons de le dire, de l’année 1836 (2 juillet), mais il est bon de remarquer qu’elle ne faisait que confirmer des ordonnances antérieurement rendues, et dont l’effet avait commencé à se faire sentir dès l’année 1834.