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beaucoup, mais d’une espèce toute différente), comme dans Benjamin Constant, ni l’éclat extérieur de la parole et l’entraînement de la passion comme dans le général Foy : c’est la force de la méditation, l’ampleur de la forme, la vigueur de l’expression, l’élévation continue du ton, avec une haute ironie qui en tempère sans en altérer le sérieux. Ajoutons à de tels caractères une perfection de détail qui achève de faire de ces discours des œuvres d’art accomplies.

Nous avons essayé de caractériser le rôle et la valeur de M. Royer-Collard en philosophie, sans redouter même quelques-uns de ces détails techniques qui confirment, qui expliquent plus qu’ils ne complètent le jugement qu’a porté M. de Rémusat sur cette partie des travaux de son prédécesseur. Il nous reste à rappeler encourant les principaux actes de l’homme politique. M. de Rémusat les a commentés de la façon la plus éclatante et, selon nous, la plus définitive.

On sait comment les événemens de 1814 rejetèrent M. Royer-Collard de la paisible arène des idées et des systèmes dans l’arène plus périlleuse des partis. Les Bourbons parurent après la longue attente de quelques fidèles, ils parurent à la France fatiguée comme un gage nécessaire de paix et de liberté ; mais la dernière leçon qu’apprennent les gouvernemens, c’est que le pouvoir se ruine par ses abus comme la liberté par ses excès. Des réactions furent le coup d’essai du nouveau règne.

Il est inutile de rappeler les fautes de la première restauration qui rendirent sa chute si prompte et si populaire, l’opinion publique bravée comme à plaisir, les vieilles formes de la justice en partie rétablies. par M. Dambray, l’armée humiliée et désorganisée, la toute-puissance d’un favori, M. de Blacas, l’affectation impolitique que mettait un roi d’ailleurs sensé et habile à donner aux débris des dernières assemblées le nom d’assemblée des notables, et à la charte celui d’ordonnance de réformation. M. Royer-Collard, qui dès long-temps s’était fait de la légitimité et de son alliance avec l’esprit nouveau une idée toute différente, fut révolté de ces défis insensés jetés à l’opinion ; il jugeait néanmoins que le pouvoir avait besoin, dans ces circonstances extraordinaires, d’une force qui le fut aussi. Disons toute la vérité : étranger aux violences, opposé à de ridicules essais de contre-révolution, lui-même n’échappa point entièrement au mouvement réactionnaire qui poussait les royalistes à se défier du sentiment public et de la liberté de la presse. Nommé directeur de la librairie, il approuva la censure préventive, qu’il devait plus tard combattre avec énergie. Il est vrai qu’il eut soin de déclarer qu’il ne la regardait que comme une nécessité transitoire, et qu’il s’était rassuré d’avance sur les effets de la loi par le choix des censeurs : c’était là atténuer et non effacer ce qu’il faut bien appeler une