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le personnel qu’elle emploie est malhabile, si, au milieu de toutes les grandes entreprises d’intérêt public dont le gouvernement fait les frais, il n’en est, pour ainsi dire, aucune qui lui profite directement, à qui faut-il s’en prendre ? L’agriculture peut-elle dire, la main sur la conscience, qu’elle n’a aucun reproche à se faire ? « Mes amis, dit le bonhomme Richard, il est certain que les impôts sont très lourds si nous n’avions à payer que ceux que le gouvernement met sur nous, nous pourrions les trouver moins considérables ; mais nous en avons beaucoup d’autres qui sont bien plus onéreux pour quelques-uns d’entre nous. L’impôt de notre paresse nous coûte le double de la taxe du gouvernement ; notre orgueil le triple, notre folie le quadruple. » Nos cultivateurs ne sont point dévorés d’orgueil, et, au lieu d’être des fous, ils ne manquent pas de sens. Loin de moi la pensée de les signaler comme des fainéans : il n’est que trop vrai qu’ils baignent la terre de leurs sueurs ; mais, tandis que d’autres pèchent par action, ils pèchent par omission. « Dieu aide ceux qui s’aident eux-mêmes, » dit encore le bonhomme Richard. Et comment s’aident-ils ? qu’ont-ils jamais su demander au gouvernement, excepté d’aggraver les droits de douanes, c’est-à-dire de leur faire payer un tribut par leurs concitoyens ? Et les faveurs de ce genre qu’on leur a octroyées n’ont été que des déceptions.

L’agriculture est un corps dans l’état, le corps électoral, le pouvoir suprême, celui devant lequel toutes les ambitions, toutes les puissances viennent courber le front. Quel usage fait-elle cependant d’une si vaste prérogative ? Quoi ! l’usure est pour vous un fléau ; vous le savez, vous proclamez sans cesse que tout propriétaire hypothéqué est un homme perdu, et vous n’avez pas obtenu encore une loi sur le crédit territorial, qui mît la France en jouissance de ce que possède la Prusse depuis le siècle dernier. Vous donnez des mandats impératifs contre Pritchard, et vous n’eûtes jamais la pensée de dire à vos députés que, s’ils reparaissaient devant vous sans cette loi du crédit foncier, vous les casseriez avec une sévérité inexorable. Vous vous plaignez des impôts : qui donc les vote ou les laisse voter ? S’ils sont mal répartis, pourquoi le tolérez-vous ? La population des campagnes ne produit pas au travail la moitié, ni peut-être le tiers de ce que feraient des campagnards de la Grande-Bretagne ; c’est pourquoi nos paysans sont si misérables et les propriétaires fort malaisés. Si vous demandiez avec un peu d’insistance et d’accord qu’une éducation appropriée à leur avenir fût donnée à ces bonnes gens et aux propriétaires eux-mêmes, on s’empresserait de vous satisfaire, car vous êtes les maîtres ; on trouverait de parfaits modèles en Suisse, en Prusse, dans presque tous les petits états de l’Allemagne. Avec un subside annuel égal à la somme que coûte une pièce de vingt-quatre sur son affût, on déterminerait l’ouverture d’une ferme départementale très convenable ; mais vous