Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/509

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une aisance et une sécurité égales à ce qu’elles pourraient attendre des plus forts salaires.

Cette situation particulière de l’agriculture algérienne est une des causes qui l’obligent à rechercher de gros bénéfices. Quel mode d’exploitation choisira-t-on ? L’économie rurale en distingue deux aujourd’hui le premier, qui consiste à cultiver dans la perfection une surface restreinte, afin d’en obtenir la plus forte quantité de produits bruts que sa nature puisse donner, constitue le système intensif ; le second, appelé par opposition le système extensif, applique des soins superficiels à un espace aussi considérable que possible, laisse agir la nature et établit sa spéculation sur l’économie de la main-d’œuvre. Comme exemples de ces deux systèmes, M. Moll met en contraste un domaine de 1,400 hectares, situé dans le Berri, qui n’occupe pas plus de 65 travailleurs adultes et 26 chevaux, avec les jardins maraîchers contenus dans la nouvelle enceinte de Paris, qui, sur une surface de 1,378 hectares, emploient environ 10,000 travailleurs et 1,600 chevaux. Après avoir déclaré que les deux systèmes sont également légitimes, que le choix dépend des ressources du propriétaire, de la valeur du terrain, du prix de la main-d’œuvre, du débouché, M. Moll ajoute : « Dans les circonstances actuelles et pendant bien long-temps encore, le système extensif est le seul dont on puisse attendre du succès en Algérie. » S’il en était ainsi, il s’écoulerait un temps incalculable avant que l’agriculture algérienne pût suffire aux frais de la colonisation. Nous voudrions, au contraire, que de grandes sociétés agricoles, après avoir choisi les emplacemens les plus heureux, y déployassent les efforts les plus intenses. L’éclat d’un grand succès industriel, c’est la seule chance de lancer la spéculation africaine. Nous le répétons avec une conviction profonde qui n’est pas sans quelque mélange d’inquiétude, si l’industrie coloniale végète terre à terre, si le travail n’acquiert pas assez de vitalité pour fournir des dividendes aux capitalistes métropolitains, un sort attrayant aux ouvriers, un tribut au gouvernement en déduction des charges qu’il subit, la colonie périra de cette langueur dont elle souffre aujourd’hui.

Mais, dira-t-on, en supposant que certaines sociétés puissamment organisées donnassent l’exemple d’un succès exceptionnel, ces entreprises n’introduiront en Afrique qu’un petit nombre d’individus, et la grande difficulté, celle du peuplement, restera sans solution. Cette difficulté nous ramène au point essentiel de la controverse. Une erreur que nous retrouvons au fond de tous les systèmes consiste à croire qu’on peut improviser une population. Chaque auteur commence par supputer le nombre d’habitans qu’il croit indispensable pour la défense et la fécondation de la terre. On se préoccupe surtout de masser les habitans dans un but stratégique. M. le maréchal Bugeaud demande